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C est en soins intensifs et doit endurer la période la plus pénible de toute cette

expérience : une grande fatigue nerveuse, et une nausée constante. Mais sa

condition générale est bonne et l’opération, qui a duré plusieurs heures, a réussi, et

ils ont pu retirer sans dommage ce polype qui s’était reformé. Mais ce polype, c’est

maintenant confirmé, n’était pas cancéreux – ainsi que je l’avais senti, et c’est

pourquoi je n’étais pas du tout en faveur d’une autre opération ; cependant, d’après

les connaissances médicales actuelles, il risquait de le devenir à tout moment…

De l’avis de tous ici, C a beaucoup souffert de ce que R lui a fait subir toute cette

année ; c’est l’opinion unanime de tous leurs proches et amis, qu’il a été trop loin.

Il était 8h30 du matin quand je suis arrivé hier dans le froid de Paris.

R avait espéré que je resterais avec lui chez eux, mais il n’en était pas question

pour moi.

Tout de suite, nous sommes allés voir C à l’hôpital. Et je suis retourné passer tout

l’après-midi auprès d’elle. Olga et Pierre m’y ont rejoint, et Maurice.

Je ne suis pas content de moi, de ces limitations et ces impuretés qui m’empêchent

d’apporter une aide concrète, effective à ma C. Lui masser les pieds, lui parler, oui,

mais la soulager effectivement ? Je n’en suis pas capable. Et ce n’est pas correct !

*28-11-2000, Saint Maur :

Tout le ciel est gris, et les dernières feuilles tombent des arbres.

Pour C, les effets secondaires de l’anesthésie sont très pénibles et déconcertants :

nous avons passé des heures hier à travailler sur les confusions de perception qui

l’absorbent encore – ces recouvrements de réalités physique et subtile qui rendent

incohérents.

Elle a eu une expérience violente au moment de l’endormissement : il semble que

pour de longues opérations – celle-ci a duré 6 heures – on utilise le curare, et elle a

éprouvé comme une explosion, une sorte de déflagration dans tout le corps,

comme s’il était secoué brutalement de part en part et désassemblé…

R accepte volontiers de nous laisser seuls.

*29-11-2000, Saint Maur :

Hier j’ai rencontré le chirurgien, puis l’anesthésiste ; je n’ai pas apprécié leur

attitude, mais cela fait partie d’un ensemble : les intentions sont louables, la

discipline est légitime, les progrès sont incontestables, tout cela est admirable et

tout à fait respectable ; mais il y a, à la base, et aussi dans la manifestation,

quelque chose d’essentiellement faux, comme une usurpation, et une illusion. En

quelques jours seulement, tout ce merveilleux contexte médical aurait le pouvoir de

faire de ma C, d’une personne entière, d’un être qu’ils ne connaissent pas, une

vieille femme sénile !

C’est à crier !

Et je ne puis rien faire que d’être là, à tenir le fil et écarter les suggestions, à être

presque comme aux deux bouts d’elle à la fois.

Oh, comme tout cela, comme tous ces engrenages logés dans nos corps et les

pouvoirs de tous ces conditionnements, comme tout cela est dégoûtant, révoltant :

comme ce mensonge est puissant !

*30-11-2000, Saint Maur :

C se sent encore « anéantie », et désorientée, désemparée, mais elle commence

aussi à dormir et à récupérer, et recouvrer les fonctionnements corporels.