Table of Contents Table of Contents
Previous Page  228 / 1424 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 228 / 1424 Next Page
Page Background

228

FJ - … Il y a quelqu’un que tu as bien connu, Jean Genêt, qui disait tranquillement :

« Il n’a rien compris à ce que je lui disais parce qu’il a pensé avec sa tête alors que

ça ne devient vrai que si ça entre par les pieds et que ça aboutit à la tête… ! » Que

les idées prennent corps, ça je le reçois ; mais là encore, pour moi, c’est le corps

organisme, ce n’est pas le corps au niveau de sa composition élémentaire…

D – Mais la même chose se produit dans chaque partie de l’être ; quand il y a une

certaine concentration et un certain besoin de retrouver sa propre vérité, cette

vérité qui te fait exister, qui te soutient vraiment… il y a cette découverte intérieure

de cette présence qui est là… et c’est la même chose qui se produit pour le corps,

quand il éprouve ce besoin, il reconnaît cette réalité qui le soutient et l’habite…

FJ - … Mais au niveau des cellules, des gènes, il semble bien, d’après les

connaissances scientifiques actuelles, que l’organisme humain est programmé pour

mourir. Génétiquement. Alors s’agit-il de changer quelque chose à ça, d’exercer

une espèce de pouvoir là-dessus, de modifier ou transformer la base physique, la

loi de la nature ?

D – Je ne me sens pas capable… Ce que je sens, c’est que ce qu’on appelle les lois

de la nature, même les lois soi-disant observables, à tous les niveaux, elles sont à

la mesure de la conscience incarnée, de son niveau d’évolution… Et que la

conscience se développe, à travers toutes les expériences et il arrive un point,

nécessairement où ces « lois », quelles qu’elles soient, deviennent caduques… Alors

peut-être y a-t-il, à ce moment-là, un passage, une transition, où on ne sait pas si

on doit se soumettre, si on doit continuer de se soumettre à une sorte

d’organisation rigide, inéluctable, qu’on l’appelle « destin » ou « lois de la nature »

ou « condition humaine » - qu’on l’appelle comme on veut, ça ne change rien -…

Mais s’il y a une possibilité d’aller plus loin, que tout ça devienne plus vrai, que

toutes ces limites et toutes ces lois se défassent dans une réalité plus vraie, plus

plastique, plus proche de ce dont on a l’expérience dans la conscience ? Je crois que

je préfère essayer de suivre ça plutôt que d’expliquer…

FJ - … Mais on pourrait dire aussi que, d’une certaine manière, si la conscience

individuelle progresse beaucoup, elle cesse d’être individuelle, elle ne réclame plus

de demeurer subjective et elle a donc en quelque sorte triomphé de la mort…

D – Mais ce serait bien dommage que cela se passe seulement comme ça !

FJ – Mais je demande justement… Est-ce que c’est un changement de regard qui

fait que les mêmes lois apparaissent différemment, sont vécues différemment, et

n’ont plus la même importance, ou bien…

D – Mais c’est aussi ça à la fois ! C’est du fait que la conscience se développe,

qu’elle atteint une plus grande intensité, qu’elle touche plus, que son besoin est

plus grand, qu’elle accède… à une force plus centrale… Et cette force est concrète !

Tu peux dire qu’un « élément » nouveau est intervenu dans le jeu du monde, mais

tu peux dire aussi que c’était toujours là et que la conscience, à travers l’homme,

s’est intensifiée tellement qu’elle en a pris conscience et qu’à ce moment-là ça a pu

agir. Il y a besoin et il y a réponse. Et tu trouves la même chose, qui s’ouvre aussi

bien dans la matière, dans le corps…

FJ - … Peux-tu me préciser ce que tu perdrais si l’on n’éprouvait plus aucun besoin

d’avoir une conscience « subjective » ?

D – Mais la joie de la diversité, la joie de l’unicité de chacun… !

FJ - … Mais il y a toujours une espèce de concrétisation dans un « moi »…

D – Ce qu’on appelle l’ego – avec le sens de l’obstacle, de la déformation, de

l’opacité, de l’interférence – c’est une manière d’être surtout, un mode ; même

dans la perception ; c’est un arrangement qui fait qu’on se cristallise, qu’on se

durcit, qu’on se sépare et qu’on tient à cette séparation ou qu’on se reconnaît à

travers elle… C’est très nécessaire pendant longtemps pour se donner le temps de