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D’un regard extérieur, je me heurtais à la crainte, l’appréhension et le doute ; mais
dés que je me tournais au-dedans, il n’y avait plus qu’un élan à la fois tranquille et
impérieux.
Fin Octobre, j’allais prendre mon billet quand mon père, F.J, reçut l’offre soudaine
de conduire, pour la télévision française, un entretien avec ses fils au sujet
d’Auroville et de sa fondation. J’étais réticent, car tout d’un coup il me sembla que
chaque jour comptait. Mais l’occasion d’offrir ensemble, dans l’amitié et le dialogue,
nos engagements respectifs, était belle et juste.
Tout s’arrangea en quelques jours, et F.J, mon père, J.Y mon frère et moi tentâmes
de ne pas dire trop de bêtises sur Auroville et sur Mère devant les caméras
attentives et respectueuses d’un studio de télévision à Paris.
Le 9 Novembre, 1973, j’écrivais dans mon journal quotidien : « …ne jamais oublier
qu’il faut être simple, noble, intrépide et vaste et plein d’amour, pour porter toute
notre obscurité dans la lumière… ».
Le 10 Novembre au soir, C. ma mère et amie, J.Y mon frère et T une tendre
compagne, me laissèrent à la borne de sécurité de l’aéroport ; je quittai Paris et la
France et l’Europe et l’Occident – et n’y reviendrais que 27 ans plus tard.
Je choisis de rester deux jours à Delhi – comme pour laisser une peau et retrouver
la respiration de l’Inde.
Le 13 je pris l’avion pour Madras ; j’avais acheté une de ces bandes dessinées qui
retracent les histoires du Mahabharata et du Ramayana ; celle-ci disait le conte de
Sita qui prie la Mère de l’engouffrer dans les entrailles de la terre si elle a menti –
et un sanglot sortit de tout mon être, comme le sceau brûlant de la vérité qui seule
donnait un sens à cette vie.
Le soir du 13 j’arrivai près de l’Ashram. Je n’avais qu’un sac à l’épaule, un sac de
cuir que j’avais moi-même coupé et cousu, contenant mon exemplaire de
« Savitri », mon enveloppe avec les choses de Mère, quelques vêtements de
rechange. Nata n’était pas chez lui. Je laissai mon sac sur le trottoir devant sa porte
et m’en fus à l’Ashram. A peine entré, au bord de la cour intérieure du Samadhi,
c’est le sourire de Fabienne que je rencontrai, immédiat, paisible, dans la mouvance
tranquille de tous ces êtres qui formaient ma famille de toujours.
On entendait la voix de Mère par les fenêtres ouvertes de Sa chambre au-dessus
des branches de l’arbre de « Service » ; parfois comme un gémissement.
Quand je retournai à la maison de Nata, Maggi et lui étaient rentrés ; leur affection,
leurs bras tendus. Nata me dit qu’en voyant le sac, serti de galets de l’océan, il
avait de suite deviné que j’étais rentré. Il était tard. Il m’envoya dormir dans une
maison près de la mer qui servait de relais et de reposoir pour certains de ceux qui
travaillaient à Auroville. Un autocar s’apprêtait juste à partir, pour conduire au
Matrimandir un groupe de volontaires pour un bétonnage continu de plusieurs jours
qui avait commencé le jour même.
Je restai dormir là, sur le toit, veillé par un paon.
Ce n’est que le lendemain matin que je me rendis à mon tour au Matrimandir.
Presque 4 ans plus tôt, à nos premières rencontres à Pondichéry, 4 d’entre nous
nous étions tellement reconnus qu’il nous avait paru évident que nous avions ainsi
été guidés dans l’accomplissement d’une promesse ancienne : M’zali, que Mère
nomma Krishna, F.Ga, G.M et moi.