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J’appris que Fabienne n’était pas encore arrivée.

Je logeai ce soir-là dans l’une des « Guest houses » de l’Ashram, dûment instruit du

code de conduite en vigueur. Pas d’alcool, pas de tabac, pas de sexe.

Quand Fabienne arriva, un ou deux jours plus tard, nous dûmes emménager dans

une autre Guest house qui n’appartenait pas directement à l’Ashram

Ces premiers jours je me rebellais à la vue de tous ces messages partout, ces

photographies comme des icônes, tout cet immaculé.

Mais j’étais en même temps habité par une pression, une sorte de lent, d’irrésistible

dévoilement, la découverte d’un Fait que je n’avais pu qu’appréhender obscurément

– perceptions sourdes, reflets, échos, notions « inadmissibles » - et c’était comme

un ensemble de conditionnements qui se mettait à fondre, à tomber par lambeaux,

comme si la vision exacte était par à-coups restituée, libérée des poids et des

épaisseurs qui l’avaient occultée.

Et un après-midi, assis sur le muret de la digue devant la mer, je sus, sans

qu’aucun doute ne puisse demeurer, irrévocablement, je sus que c’était Elle, que

c’était Sa Force, et qu’à Cela j’appartenais.

La conscience m’était rendue, cette dimension qui avait tant manqué, sans quoi l’on

était comme amputé.

Un autre jour de cette première semaine, Fabienne me retrouva dans la rue, son

sourire et sa marche de danseuse vers moi : dans sa main, une rose rouge,

envoyée par Mère.

Je pourrais La voir le 9 Décembre.

Ce matin-là, il pleuvait des trombes.

Nous attendîmes sur les marches de Son escalier intérieur, assis près de

Champaklal qui préparait tranquillement des petits sachets de papier coloré.

Puis je vis Françoise soudainement rassembler ses affaires, tout poser sur un

plateau, dans un geste fluide et concentré, et se lever toute droite en un souffle. Et,

derrière elle, nous entrâmes dans la chambre de Mère.

Je suivis Fabienne et m’agenouillai devant Elle.

Il y avait autour de ce silence souverain le vacarme de la pluie, il y avait Françoise

et Fabienne, il y avait toute cette accumulation de tension en moi.

Mère me parla de la façon la plus ordinaire, la plus rassurante :

« C’est la première fois qu’on vient en Inde ? »

(Non, Mère… je balbutiai quelque chose.. !)

« On vient en Inde pour trouver le soleil, et voilà… (geste indiquant le déluge) »

Puis, alors que je m’ouvrais à l’abri de ces mots et pouvais enfin un peu recevoir

Son regard, Elle ajouta, me vouvoyant :

« Alors, si vous voulez rester ici… »

Nous sortîmes, parce qu’il fallait bien sortir, d’autres attendaient.

Mais tout avait changé.

Ou bien c’était ce changement que j’avais éprouvé qui était désormais confirmé,

rendu concret.

Mais les formations que l’on a faites, les plans que l’on a formés, ne se dissolvent

pas si aisément ; même si leurs motifs s’éteignent, leur force de propulsion

demeure encore.