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(… « Merci infiniment, Mère, j’ai tant de bonheur d’être arrivé là, j’en ai tant encore

devant le travail futur. Didier. »)

En bas de ma lettre, à côté d’une nouvelle croix, Mère écrivit ceci :

« C’est l’éveil psychique qui a cet effet sur la conscience, et c’est par cet éveil que

le corps peut être éclairé et transformé. Avec mes bénédictions. Mère. »

Graduellement, imperceptiblement, par petites touches quotidiennes d’une

expérience à l’autre, quelque chose au-dedans pouvait se détendre, apprenait à

s’offrir, et cet amour qu’Elle donnait comme des flots de puissance amie surgissant

du dedans et circulant partout et pressant doucement d’en haut si bien que nous

étions comme dans un cocon de lumière dont la réalité concrète dissipait les

frontières entre l’extérieur et l’intérieur, la matière et l’état spirituel, petit à petit,

telle une couvée timide, hésitante, le sentiment croissait d’une intimité, d’une

proximité vivante avec Elle, et d’une liberté de don de soi.

Je pus découvrir ainsi la vérité de la gratitude.

Cette possibilité qu’Elle me donnait de m’adresser directement à Elle, ce soin dont

Elle m’entourait comme l’un de Ses enfants, cette acceptation de ce que j’étais vers

ce qu’Elle voudrait faire de moi : tout cela devenait le canal d’une compréhension

qui mûrissait et grandissait dans la sécurité de Son amour, porté par l’énergie de

Son travail de chaque seconde, une Action qui était comme une marée de

conscience.

En Février, le jour de Sa fête, Mère donna Son Darshan du balcon de Sa chambre,

et je pus éprouver là, dans la foule silencieuse assemblée, le pur déploiement de

cette Grâce immobile, intemporelle, l’instant de la Rencontre. Tout était là ; sans

mots. Le sens même du Travail.

Mais, dans les actes et les mouvements du quotidien, la Pression qui était posée sur

chacun s’exerçait sans la moindre pitié ; comme un grand phare de conscience,

intransigeante, instantanée, elle éclairait précisément et directement la nature et

l’origine de chacun de ces actes et ces mouvements, qu’ils soient visibles ou subtils.

C’était un tamisage sans merci.

Tous ceux qui comme moi vinrent à Elle durant cette période sont ainsi passés par

ce crible, à la fois chargé d’un amour qui sait et comprend tout, et d’une exigence

comme d’un glaive de feu.

Car nous étions tous et chacun reçus là, chaleureusement parfois et parfois

froidement, comme dans un corral invisible, un espace d’attente et de tri, dont il y

avait trois sorties : la vie de l’Ashram, avec sa discipline particulière et sa

concentration rigoureuse sur la sadhana individuelle ; la vie embryonnaire

d’Auroville, avec toutes ses demandes et ses promesses ; retourner « dans le

monde » en apprenant à écouter Cela au-dedans de soi.

Et ce processus d’orientation ne répondait à aucun de nos critères connus, mais à

une loi et à des nécessités intérieures en chaque individu dont on était soi-même,

le plus souvent, encore inconscient.

Cette action traitait directement avec l’âme et la possibilité évolutive de chacun et

leurs besoins correspondants, étrangère à toute considération extérieure.

Pratiquement, il était impossible à Mère de répondre physiquement à chaque

question, à chaque nécessité du nombre chaque jour croissant de ceux qui se

tournaient vers Elle et devenaient conscients de Sa présence.

Le privilège de recevoir un peu de Son attention physique, du temps de Son corps,

quelques mots, la pression de Ses mains, l’absoluité de Son regard, était comme un

trésor sans prix qu’il fallait apprendre à chérir et respecter à l’abri de toute vanité.