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Une partie de la matinée avec Somu et Selvam, à rétablir un sens d’équipe entre
eux…
La chaleur est très lourde, et l’énergie est basse.
J’ai l’impression de m’enfoncer, m’enliser, presque de disparaître dans un état de
conscience raréfié, élémentaire – une sorte de lente noyade à laquelle je ne saisis
pas d’alternative… C’est à la fois personnel et impersonnel, l’effet d’un choix de se
donner physiquement, dans un engagement dont la base se situe peut-être au-delà
de l’humain…
*26-5-1991, Auroville :
Sonia refuse de prendre la direction du Congress I.
*27-5-1991, Auroville :
Cet après-midi, réunion avec Pierre E, J.L, Toine et Aurofuture ; leur prototype de
disque ne me convainc pas ; mais parallèlement, au cours des dernières semaines,
par touches et bribes, avec Silvio et Pierre E, s’est dégagé un accord sur la
méthode d’exécution du revêtement de la sphère, beaucoup plus simple et plus
sûre… Alors c’est un pas en avant, hors de la confusion des opinions, qui est dicté
par la structure elle-même, par ce qui est déjà matérialisé, et c’est encourageant.
*28-5-1991, Auroville :
Ramalingam, au travail, a fait un mouvement brutal et séparé qui m’a
graduellement plongé dans un état difficile ; ses motivations étaient d’une nature
extérieure : l’opinion des autres quant à la qualité de notre travail. Il exige que
nous fassions un travail qui soit le plus visiblement parfait possible, quitte à
gaspiller ou a détruire pour recommencer ; Dans ce cas je ne l’avais pas jugé
nécessaire, non par indifférence, mais parce que je tenais compte de plusieurs
facteurs qui sont à mes yeux complémentaires.
Cela a provoqué en moi une sorte d’étonnement douloureux, et une perte
d’intérêt ; et je me suis retrouvé à ce point où, pratiquement, la chose qui me tient,
m’oblige à continuer, est la responsabilité que me donne l’absolue confiance de C,
et son besoin à elle de progresser, et la qualité de son amour…
… Selvam, à travers tout cela, est tranquille et tendre ; mais il est affecté aussi, et
son corps l’a exprimé aujourd’hui, par une douleur aigue au cœur ; sa beauté
profonde est un grand cadeau…
*30-5-1991, Auroville :
Je me sens vitalement fatigué et dégoûté. Quelque chose continue de s’interposer
entre Ramalingam et moi, et le travail s’en ressent. Je ne vois pas comment sortir
de ce piège qui nous a saisis tous les deux… J’ai le sens comme d’une toile solidaire
de toutes les torsions, les motivations déformées…
Ce que j’aime, c’est sentir dans l’action que nous sommes plusieurs corps d’un
même élan, d’un même engagement et d’une même offrande, et qu’ensemble nous
donnons l’impulsion juste à tous ces hommes qui viennent aider, avec leurs cœurs
et leurs corps…
A présent, les commandes sont confuses, et les réponses aux petits évènements et
aux nécessités du moment sont incohérentes…