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… Hier, sur mes instructions, l’un des gardiens a finalement arrêté M qui emportait
une fois de plus un sac chargé de bonnes pièces de bois ; j’avais souhaité, avec
Ramalingam, marquer le coup sans ambiguïté – M est devenu « Aurovilien » grâce
aux pressions exercées par Arjun, et il est d’autant plus important de ne pas couvrir
le mauvais exemple qu’il donne aux ouvriers… Mais là non plus nous n’avons pu
trouver d’accord…
*31-5-1991, Auroville :
Ramalingam et moi nous hissons hors du trou et nous rétablissons… Quand les
larmes ont jailli dans ses yeux, le courant est revenu directement, pur et profond…
Je me sens si petit et limite : ce « moi » qui persiste, dévié et entravé… De cette
fatigue, nous sommes passés à une fatigue physique plus réceptive : un long
bétonnage, avec les ouvriers, de 17 à 23 heures…
… Deux lettres anonymes, signées « Tamil Tigers », sont parvenues au bureau ;
l’une, adressée au Groupe de Coordination, contient des menaces de meurtre à
mon égard ; l’autre est adressée à mon nom ; je ne les ai pas encore lues : Toine
est venu me prévenir pendant le bétonnage, préoccupé par le venin et la violence
qui s’y expriment, et souhaitant faire intervenir les autorités locales… Mais il semble
clair que cela vient de Durai…
*1-6-1991, Auroville :
Lettre de Soaz et Samuel, avec une belle photo de mon Samuel.
Au retour d’Arjun ce matin, nous avons découvert que Ta grande photographie
avait été enlevée de son bureau, par Bhaga, pour le Service du Free Store, sans
que nous nous en soyons aperçus, et nous découvrons que Barbara avait donné son
accord, sans nous le dire… : une petite catastrophe psychologique pour Arjun, que
j’ai dû m’efforcer de réparer de mon mieux, en faisant la commande auprès d’A
d’une nouvelle photographie…
… Visite de N, ambivalente : je ne peux plus l’aider matériellement, sinon peut-être
pour lui procurer les livres et cahiers d’école de ses enfants ; il semble calmement
désespéré…
Plus je me coule dans ce monde environnant, plus je m’y ouvre et plus j’éprouve,
dans son énormité comme dans ses détails, le besoin de tous ces êtres – et la
distance qui nous sépare encore d’un changement réel et durable…
*3-6-1991, Auroville :
Su est venue me voir deux fois aujourd’hui ; elle est encore très désorientée, et
physiquement vulnérable : elle tombe, se cogne, se fait piquer par des insectes.
Shano aussi est venu, dans l’après-midi, égoïste comme un enfant peut l’être,
voulant « sa » détente…
Il a plu toute une partie de ce dimanche. Toine et Arjun sont venus me chercher ce
matin pour se mettre d’accord sur l’action à suivre à propos de la lettre anonyme
de Durai… Je demande à ce qu’une pression soit faite par Auroville, avant de songer
à s’en remettre à la police. Durai, lui, nie tout ; il nie même avoir prononcé cette
harangue l’autre jour, dont la lettre reproduit les termes, bien que plusieurs autres
y aient également assisté ; il cherche maintenant à nous convaincre de son
innocence par une démonstration d’humilité et de fraternité, accumulant les
mensonges…