LA CRISE DE LA CRIMINALITÉ ENVIRONNEMENTALE - page 48

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Exploitation des ressources naturelles lors de
conflits
Les réserves, les « points chauds » de biodiversité et autres habi-
tats vulnérables sont de plus en plus exploités par les braconniers,
mais aussi par les milices et autres groupes armés non étatiques.
Ces groupes, notamment en Afrique centrale et australe, se
financent grâce à l’exploitation du bois et le braconnage (ivoire,
corne de rhinocéros, peaux de tigre, laine « shahtoosh » de l’anti-
lope du Tibet (
Pantholops hodgsonii
)). Les milices Janjawid souda-
naises et l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) braconnent
les éléphants en Afrique centrale et alentour. Des dizaines de
milices tuent des éléphants et des hippopotames, récoltent du
bois et produisent du charbon de bois ou perçoivent des taxes
sur sa vente, afin de financer des conflits en République démo-
cratique du Congo et dans les pays voisins. La RENAMO (Résis-
tance nationale mozambicaine) a été accusée d’avoir financé sa
nouvelle insurrection grâce au braconnage d’éléphants et de
rhinocéros
53
.
De même en Asie, l’exploitation de la faune sauvage sert à financer
un certain nombre de groupes armés non étatiques. Al-Qaïda
s’est allié aux séparatistes bengalis. D’autres milices tribales en
Inde, seraient impliquées dans le commerce illégal de l’ivoire, des
peaux de tigre, et des cornes de rhinocéros en Asie du Sud-Est
54
.
Le réseau Haqqani et Al-Qaïda ont été accusés de recueillir des
fonds grâce à l’exploitation et au commerce du bois
55
.
La communauté internationale prend aujourd’hui de plus en
plus conscience des liens entre le trafic de faune sauvage et le
financement de la criminalité et du terrorisme, qui n’est pour-
tant pas un phénomène nouveau. Les criminels peuvent égale-
ment exploiter les conflits en cours, en accusant les belligé-
rants de braconnage, ou l’inverse. En règle générale, les milices
armées essaient de prendre le contrôle des ressources naturelles
de valeur sur leur territoire et s’opposent farouchement à toute
concurrence. Cependant, plus les braconniers ou criminels sont
éloignés du centre des conflits, plus ils risquent d’accuser les
belligérants d’exploiter illégalement les ressources naturelles,
d’autant plus que les terroristes et les miliciens sont peu suscep-
tibles de contrer leurs accusations.
Au cours des soixante dernières années, près de 40 % des conflits
entre États étaient liés aux ressources naturelles
56
. 80 % des
34 « points chauds » de biodiversité identifiés à travers le monde
ont été le théâtre d’importants conflits au cours de la même
période
57
. Dans les années 1970, plus de 100 000 éléphants
auraient été tués pour financer les guerres civiles en Angola et
au Mozambique
58
. Charles Taylor a utilisé le bois comme prin-
cipale source de financement tout au long de la guerre civile au
Libéria
59
. Les ressources forestières ont permis de financer les
Khmers rouges au Cambodge et ont joué un rôle dans les conflits
en Birmanie, en Côte d’Ivoire et en République démocratique du
Congo
60
.
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