Previous Page  109 / 64 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 109 / 64 Next Page
Page Background

109

RECHTSPRECHUNG

2/2008

forum

poenale

Commentaire:

Comme le souligne à juste titre le Tribunal fédéral dans son

arrêt reproduit ci-dessus, la question de la relation entre

l’art. 7 DPA et l’art. 102 CP ne se pose pas en matière de

contravention. En effet, la responsabilité pénale de l’entre­

prise selon l’art. 102 CP ne peut jamais être recherchée pour

les contraventions, comme en dispose désormais expressé­

ment l’art. 105 al. 1 CP.

Bien qu’ayant à connaître d’une contravention, le Tri­

bunal fédéral a cependant saisi l’opportunité du recours qui

lui était soumis pour souligner qu’il devra trancher un jour

la question de l’articulation entre la norme administrative

pénale (l’art. 7 DPA) et la norme pénale (l’art. 102 CP) et

pour rappeler brièvement comment la doctrine envisage cet­

te articulation. L’arrêt reproduit ci-dessus est ainsi l’occa­

sion d’examiner la question plus en détail.

Le Message à l’appui du projet de nouvelle partie géné­

rale du code pénal (FF 1999 II 1946) est particulièrement

laconique s’agissant du rapport entre l’art. 102 CP et le droit

pénal administratif. Il se limite en substance à indiquer que

malgré l’introduction de la responsabilité pénale de l’entre­

prise, les sanctions administratives pénales à l’endroit des

entreprises garderont tout leur sens et que celles-ci ne ren­

dront pas superflue l’ouverture à leur encontre d’une pro­

cédure pénale fondée sur l’art. 102 CP, ce qui constitue une

formulation pour le moins ambiguë.

I. Le chapitre III du DPA traite des

«infractions commises

dans une entreprise, par un mandataire, etc.»

L’art. 6 DPA

énonce dans ce contexte la

«règle»

, selon le titre de sa note

marginale: l’art. 6 al. 1 DPA consacre le principe (d’applica­

tion générale) selon lequel, lorsqu’une infraction est commi­

se, notamment, dans la gestion d’une personne morale, d’une

société en nom collectif ou en commandite, d’une entrepri­

se individuelle ou d’une collectivité sans personnalité juridi­

que, les dispositions pénales sont applicables aux personnes

physiques qui ont commis l’acte; l’art. 6 al. 2 DPA dispose

de la position de garant, en particulier du chef d’entreprise

ou de l’employeur qui a omis de prévenir l’infraction com­

mise ou d’en supprimer les effets (c’est d’ailleurs à cette dis­

position que se réfère le Tribunal fédéral dans son arrêt rap­

pelé ci-dessus); l’art. 6 al. 3 DPA prévoit que lorsque ce chef

d’entreprise ou cet employeur, notamment, est une person­

ne morale, une société en nom collectif ou en commandite,

une entreprise individuelle ou une collectivité sans person­

nalité juridique, la position de garant instaurée à l’art. 6 al.

2 DPA est imputée aux organes et à leurs membres, aux as­

sociés gérants, dirigeants effectifs ou liquidateurs fautifs.

L’art. 6 al. 3 DPA est une

lex specialis

par rapport à l’art.

29 CP et prime à ce titre cette dernière disposition qu’il ne

recouvre au demeurant pas complètement.

L’art. 6 al. 1 DPA (application des dispositions pénales

à l’auteur physique de l’infraction), d’une part, et les art. 6

al. 2 et 6 al. 3 DPA (responsabilité de l’employeur ou du

chef d’entreprise qui n’a pas prévenu l’infraction), d’autre

part, sont des normes qui peuvent trouver une application

concurrente.

L’art. 7 DPA, sous la note marginale

«réglementation

pour les amendes n’excédant pas 5000 francs»

, permet de

condamner la personne morale, la société en nom collectif ou

en commandite, l’entreprise individuelle ou la collectivité sans

personnalité juridique lorsque l’amende entrant en ligne de

compte ne dépasse pas 5000 francs et que l’enquête rendrait

nécessaire à l’égard des personnes punissables selon l’art. 6

DPA des mesures d’instruction hors de proportion avec la

peine encourue. L’art. 7 DPA s’applique ainsi lorsque l’auto­

rité de poursuite n’entend pas, aux conditions posées dans la

disposition, rechercher – de façon cumulative ou non –

l’auteur individuel de l’infraction (art. 6 al. 1 DPA), l’em­

ployeur ou le chef d’entreprise garant (art. 6 al. 2 DPA) ou

encore, en bref, l’organe devant répondre à la place de cet

employeur ou de ce chef d’entreprise (art. 6 al. 3 DPA). Ce

n’est que dans ce contexte relativement limité que l’entrepri­

se (selon la définition large qu’en donne l’art. 7 DPA) peut

être poursuivie en lieu et place des personnes physiques.

II. L’art. 102 al. 1 CP institue la responsabilité pénale

subsidiaire de l’entreprise pour les crimes et les délits com­

mis en son sein, dans l’exercice d’activités commerciales

conformes à son but; dans ce contexte, l’entreprise peut être

recherchée pénalement si, en raison d’un défaut de son or­

ganisation, l’infraction commise ne peut pas être imputée à

une personne physique déterminée.

Ainsi, la question de l’articulation entre les art. 102 al.

1 CP et 7 DPA n’est pertinente qu’en l’absence d’imputa­

tion de l’infraction à une personne physique.

En effet, si l’auteur physique de l’infraction s’est vu ap­

pliquer les dispositions pénales conformément à l’art. 6 al.

1 DPA, l’infraction a été imputée à une personne physique

déterminée selon l’art. 102 al. 1 CP et l’entreprise n’en­

court aucune responsabilité subsidiaire au titre de cette dis­

position.

Si l’auteur physique de l’infraction n’a pas été recherché

aux termes de l’art. 6 al. 1 DPA, mais que l’employeur ou le

chef d’entreprise ou leurs organes ont dû répondre de cette

infraction au titre de leur position de garant selon l’art. 6 al.

2 ou 6 al. 3 DPA, l’infraction a également été imputée à une

personne physique déterminée au sens de l’art. 102 al. 1 CP,

ce qui exclut la responsabilité pénale de l’entreprise.

La question du rapport entre l’art. 102 al. 1 CP et l’art.

7 DPA ne se pose ainsi que dans l’hypothèse où l’infraction

n’est pas imputée à une personne physique aux termes de

l’art. 6 al. 1 DPA et que

de surcroît

l’employeur ou le chef

d’entreprise ou leurs organes ne sont pas appelés à en ré­

pondre selon l’art. 6 al. 2 ou 6 al. 3 DPA. Dans ce cas en ef­

fet, l’infraction n’aura pas été imputée à une personne phy­

sique déterminée et la responsabilité pénale de l’entreprise

selon l’art. 102 al. 1 CP pourra en principe être engagée.

Or, dans cette hypothèse, l’art. 7 DPA pourrait également

s’appliquer.