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Finalement je trouve une chambre tout à fait à l’autre bout de la petite ville, dans
l’une de ces maisons converties.
C’est une ville harmonieuse, aucun bâtiment n’y est vilain. Briques, ardoises et
tuiles.
Toutes les automobiles semblent récentes. Pas de vélos. Un quartier central réservé
aux piétons ; des boutiques de luxe.
Et le petit port à l’arrière où s’ancrent les chalutiers des pêcheurs locaux : les
marques d’une vie dure, physiquement âpre.
Après plusieurs essais, la propriétaire de l’hôtel parvient à obtenir la connexion
téléphonique avec C et R, et je ne suis pas capable de présenter la situation sans
causer un peu d’inquiétude, parce que je suis pris par une sorte de crainte ou
d’appréhension d’être bloqué dans ce monde étranger sans argent, si la tempête ne
se calme pas. Alors nous décidons que, si le voyage en bateau est encore annulé ce
lundi matin, il faudra qu’ils achètent de Bretagne un billet d’avion Londres Dinard,
et je retournerai à Londres par le train.
Le soir, il pleut si fort que je ne peux pas sortir pour aller manger quelque chose ;
la chambre est minuscule, habitée par une télévision, sans chauffage, et il y a une
fuite dans le plafond.
C’est une demeure calfeutrée, tapissée de toile fleurie, avec un chauffe-eau que je
ne sais pas faire marcher. La propriétaire est installée dans le salon au rez-de-
chaussée avec ses deux petits enfants, devant une grande télévision.
Il y a deux portes d’entrée successives avec des verrous de sécurité ; les lumières
s’allument quand on presse, en marchant, un système placé sous le tapis.
Il y a une couverture supplémentaire dans la penderie et je me couche avec deux
tricots, mon châle et toute la literie entassée, sans manger.
Ce matin je suis sorti vers 6 h 30 et j’ai marché dans le vent jusqu’à l’embarcadère,
pour découvrir que le bateau allait tout de même partir, mais que je n’avais plus le
temps de retourner chercher mes affaires…
Mon billet pour demain matin est confirmé.
C’est dimanche et les boutiques sont, pour la plupart, fermées.
Une paire de chaussures dans laquelle je pourrais peut-être loger mes pieds, qui
n’ont connu que la liberté depuis 30 ans, coûte au moins 30 ou 40 Livres : un autre
mois de Maintenance !
J’ai presque fini mon paquet de beedies, et cherche des cigarettes sans filtre : 2
Livres ! Le prix d’une tasse de café est 1 Livre, un salaire journalier.
Ici on peut trouver du travail à l’heure dans un supermarché ou un centre de « fast
food » et toucher de 3 à 4 Livres, assez pour le repas le moins cher, un filet de
morue avec des frites.
Le gonflement de mon annulaire droit a empiré avec les changements de pression
atmosphérique et parfois j’y perds la sensation, ou bien un simple mouvement
déclenche comme une décharge électrique.
J’ai besoin d’une plage de temps libre, pour me concentrer amplement, rassembler
les énergies, m’orienter.
J’ai coupé mes cheveux, devant le miroir au-dessus du lavabo.
Cette année qui vient de s’écouler, j’ai lutté contre le cauchemar de cette trahison
installée dans le corps, qui cause le vieillissement. Pas seulement cette année :