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marée montante, des bois anciens qui descendent jusqu’au sable de criques

abritées, des étendues de landes sauvages, des bouquets de pins rassemblés dans

le vent, et la côte de Fréhel, ses falaises comme une symphonie d’espace et de roc

et d’ailes et de vent, la bruyère et l’ajonc encore doré, le genêt et la menthe, des

sentiers où il faut lutter contre la bourrasque pour ne pas plonger dans un gouffre

de roche orangée, les formes magiques que les vagues ont taillées dans les flancs

du roc exposé, ici et là un butin de grands galets blancs lissés par tant d’âges, et le

bleu et l’émeraude et le violet et le gris, des gris qui chantent l’espace et le vent.

Il a plu ; puis le soleil nous a donné un grand arc-en-ciel.

Et partout, depuis mon arrivée, je ressens combien les gens en général, et les

organisateurs en particulier, font l’effort de recouvrer un équilibre aimant avec la

nature et l’environnement ; partout s’exprime cette volonté de réaliser une relation

harmonieuse et respectueuse : les petits panneaux indiquant les sentiers, les fûts

pour recueillir les déchets, l’entretien des routes, l’abondance de fleurs, le silence ;

il est évident, dans l’atmosphère, que les choses ont d’abord beaucoup empiré vers

le chaos et la destruction égoïste, et qu’il y a alors eu une reprise de conscience

collective. C’est une chose émouvante.

C et R sont si heureux de m’introduire à tous ces lieux privilégiés qu’ils ont

découverts ensemble au cours des années, et de voir et sentir combien je les

apprécie.

Je voudrais montrer tout cela – non, pas montrer, mais rendre accessible – à tous

les miens : qu’au moins ils puissent, de mon cœur, se trouver ici et avoir

l’expérience physique de cette vivante harmonie, de cette beauté vive et paisible.

Comment faire pour que l’Inde se ressaisisse, se défasse de cette hypnose exercée

par les démons de la consommation, dont le pouvoir est d’autant plus grand que

l’individu est embryonnaire ?

*25-9-1999, La Ville aux Prévôts :

Ce matin longtemps C a commencé de me raconter son expérience de l’opération

(elle a subi une intervention chirurgicale importante, pour retirer une tumeur

cancéreuse dans le colon) et des jours qui ont suivi ; elle m’attendait pour se sentir

en mesure de défricher tout cela, pour y regarder ensemble.

Plus tôt j’ai téléphoné au Matrimandir ; cela fait déjà une semaine que je suis

« parti » ; Kamalam m’a répondu (Arjun était sorti vers la structure) et j’ai parlé

quelques instants avec Shiva ; ces contacts téléphoniques me nouent.

Une partie de la journée à faire quelques travaux, à encaustiquer la cheminée,

nettoyer un peu du jardin et, ce faisant, entrer en relation avec les formations de

chacun, les zones – à propos des clôtures et des haies, du rôle du jardinier qui vient

deux fois l’an, des voisins, du notaire, du chemin communal.

Cela nous a conduits à parler, à la demande de C, de toutes les dispositions

nécessaires à la mort de l’un ou de l’autre. Il y a de l’humour, de la tendresse, une

volonté de clarté tranquille et le sens de ce qui est vraiment utile et fructueux pour

chacun.

Une autre ballade dans la région. Un long moment au soleil.

Et le soir C et moi sommes allés écouter, dans l’abbaye restaurée d’un adorable

petit village juché sur une colline au-dessus de la mer, tout de pierres moussues et

de lumière, un récital de guitare celtique : un homme nostalgique souffrant de sa