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solitude, un virtuose remarquable, qui a joué non seulement de deux guitares mais

de la somptueuse harpe celtique et du tympanon. Une atmosphère doucement

chaleureuse.

Et j’éprouve partout cette émotion devant, ou en présence de, la solitude de

chacun : cette solitude qui provient de la croyance que seuls les autres peuvent la

combler et de la douleur qu’ils ne la comblent pas, alors qu’il suffirait que chacun se

tourne un peu, tourne « l’aiguille de la conscience » - la déplace un petit peu -,

pour recevoir et s’ouvrir à l’expérience du divin.

L’organisme commence à s’adapter et le corps à jouir de cette légèreté – de

l’absence de la pesanteur et de l’accablement causés par la chaleur permanente, de

ce poids sur les énergies physiques qui, dans une certaine mesure, les trahit.

Ce matin, six des grands lys blancs sont épanouis dans le vase ; il ne reste qu’un

bouton à éclore.

*27-9-1999, La Ville aux Prévôts :

Il bruine ; je viens de terminer une séance d’asanas, devant la porte ouverte du

balcon, dans ce grand grenier aménagé qui est bien doux comme un nid.

Aujourd’hui nous avons fait une grande randonnée, au Mont Saint Michel et à la

Pointe du Groin – le vent, la marée, les pierres, le parfum des cierges, le silence

des cloîtres, l’archange Michel qui vainc le dragon.

Nous sommes bien ensemble, tous les trois, comme toujours.

Je récolte un peu : des cartes, et des galets.

Avec C, ces deux derniers jours, nous sommes allés voir deux films à Dinard, deux

études magistrales, remarquables de talent et de transmission ; l’un sur l’amour qui

lia Georges Sand et Alfred de Musset, cet amour comme un séisme insoluble, habité

d’un besoin d’honnêteté et de complétude ; et l’autre, le dernier de Kubrick avant

sa mort toute récente, un portrait lucide et très respectueux de l’enjeu qui se joue

dans l’humanité contemporaine des Etats-Unis.

Dans un coffre ici j’ai retrouvé l’ensemble des lettres que m’avait envoyées Nata

lorsqu’il était mon intermédiaire auprès de Toi, dans ma période d’ « exil ».

J’ai du mal à comprendre, à me souvenir même, de ce qui m’arrivait alors ; ou

bien, comme je n’ai pas les copies de mes propres lettres auxquelles Nata

répondait, je suis troublé par les contradictions qu’elles semblent refléter.

Dans mes promenades seul, ici, surtout à « ma » falaise, j’ai été rassuré : un

alignement se produit, m’est donné, avec la pression de la Grâce.

*29-9-1999, La Ville aux Prévôts :

Une autre randonnée sur les falaises et les grèves de Fréhel ; dans une crique, une

double anfractuosité au pied du roc sculpté par la mer, déposée dans le silence des

vagues comme par le grand artisan lui-même, une blancheur puissante de pierres

polies et arrondie par l’action incessante dans le temps, formes pleines, une

fécondation sereine : perlés, rosés, violines, pâles, habités de vert, des sphères et

des oblongues et des oeufs de toutes tailles et ensemble ; et, de l’autre côté d’une

ligne à peine visible, une frange de rocher ancrée, un autre groupe : à peine

équarries, les roches attendent, encore brutes, la persistance toujours renouvelée

de l’ouvrier imperturbable.