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novateurs de la physique, un autre évènement semble se produire ; cet évènement

est double, ou à deux versants : d’une part, l’incertitude constitutionnelle de

l’instrument mental, intellectuel et de sa logique rationnelle s’accompagne d’une

crainte profonde devant le fait de la diversité absolue comme de l’unicité absolue de

chaque phénomène, et de chaque désordre et apparente disharmonie ; et d’autre

part, le pressentiment ou la préhension d’une conscience directe, une et

omniprésente s’accompagne d’une sorte d’angoisse devant la révolution si

formidable de nos habitudes d’être et de comprendre qui semble être requise pour

que nous devenions capables de nous unir à cette conscience, de vivre et de voir et

de connaître par elle.

Comme si nous nous tenions à la frontière d’un milieu physique où le sens même

de notre existence nous mène à passer, mais nous sommes démunis : nous n’avons

pas les organes correspondants, et nous allons suffoquer ; c’est presque pire que la

mort physique, puisque c’est la vie, là, et la vraie vie enfin, mais nous ne sommes

pas équipés pour y exister : c’est une intolérance presque terrifiante.

Et la première évidence de notre misère et notre indigence est celle-ci : nous

sommes insuffisamment habités, il n’y a pas en nous assez de Présence ; ce qui

nous habite, ce sont des échos, des images, des fragments, ou ce sont des

saccades d’une intensité trop exclusive ou trop partiale, ou ce sont des circulations

routinières et des associations sans vigueur, ou des courants d’activité trop lents et

trop linéaires, une marche hésitante qui tente constamment, et vainement, de

réconcilier les trois termes du temps.

*10-9-2000, Auroville :

C m’a téléphoné : les Editions Albin Michel ont refusé mon texte, qui ne cadre pas

dans la spécificité de leur collection « Spiritualités » ; R est mieux, grâce à des

médicaments anti-dépresseurs ; et elle pense maintenant venir ici cet hiver, et me

demande de la raccompagner en France et de passer quelques temps avec eux.

Je n’ai plus écrit dans ce cahier depuis des semaines…

Je crois que j’essayais d’oublier ce texte qui ne trouve pas sa place, et la peine que

j’en éprouve… comme si cela portait l’ombre d’un Refus supérieur, et la

condamnation de toute capacité en moi à servir les mouvements ou l’action de la

conscience…

C’est probablement enfantin, mais je ne puis m’empêcher de ressentir que si ce

texte ne rencontre pas d’accueil, c’est que Tu n’en veux pas, que la Force n’en veut

pas…

Cet émerveillement immobile au cours de l’écriture, cette expérience de plusieurs

mois que c’était la conscience qui me permettait de le rédiger dans son flot mesuré

et sa clarté sans ombre : était-ce une illusion, était-ce pour rien, était-ce encore

l’ego qui vole et usurpe ?

Mais si cela avait été l’ego, alors ce serait encore l’ego qui chercherait à se faire

reconnaître et appliquerait à cet effort son habileté et son amoralité, comme je le

vois faire dans la majorité de ceux qui parviennent à s’affirmer dans ce monde…

Mais rien ne bouge.

Je n’éprouve qu’un malaise.

*13-9-2000, Auroville :

Localement, dans la routine plus ou moins exceptionnelle d’Auroville, de

Matrimandir, ce que je peux apporter est si minime, et inévitablement mélangé ;

alors que résident en moi des capacités de perception, d’expression et de création