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Le mouvement des atomes ou des molécules comme le déplacement des étoiles ou
leur collision, est nécessairement harmonieux ; la décomposition d’un agrégat
cellulaire est aussi harmonieuse que sa formation.
Mais en l’homme, parce qu’il est un être évolutif de transition, et parce que
l’évolution l’a distancié de son statut de créature et l’a attelé, pour les besoins de
l’individuation, à la séparativité de l’ego instrumental, la question se pose d’une
harmonie supérieure, d’une harmonie consciente : car l’homme est un être
tourmenté, un être en quête, insatisfait, tendu, inaccompli.
Et sa perception, ou sensation de l’harmonie nécessaire, de l’harmonie qui lui
manque et doit être acquise ou créée, est déterminée par son degré d’évolution
individuel. Aussi longtemps que son développement est dicté par la formation de
l’ego physique, psychologique et mental, son objectif d’harmonie est synonyme de
sécurité, de contrôle et d’ordre et d’intelligibilité, de transmissibilité. Mais dés que
s’ouvre son expérience intérieure et qu’il s’éveille à le dimension spirituelle, sa
référence d’harmonie change de caractère et devient représentative de l’état de
conscience à réaliser. Or cette référence est variable, car tous n’auront pas le
même développement intérieur, ou la même réalisation, ni le même degré
d’ouverture ou la même aspiration, ni la même liberté de conscience.
Cette inégalité était amplement démontrée hier.
Au sein d’une même collectivité dont les membres s’engagent à servir un même
idéal, un résultat de cette inégalité est que les individus ont une évaluation
différente de l’harmonie – dans leur besoin même comme dans leur motivation pour
y parvenir, et dans ce qu’ils en attendent…
*29-9-2000, Auroville :
J’ai éprouvé le besoin l’autre jour de communiquer directement à Kireet certaines
de mes réflexions sur le thème de l’harmonie ; j’ai d’abord hésité à lui en remettre
la notation, parce que je ne voulais pas être motivé par le désir égoïste d’être
« reconnu » ; mais je devinais aussi que, malgré sa clarté mentale et sa réceptivité
dédiée, il était enclin, dans son orientation et selon son rôle officiel, à exercer une
pression pour qu’un accord moral soit obtenu sur quelques-uns des sujets les plus
sensibles et des conflits actuels les plus diviseurs.
Donc, ma lettre lui a été remise lundi soir. Et hier, jeudi matin, lorsqu’il est venu
nous rencontrer au Matrimandir, il tenait cette lettre dans sa poche, et s’y est
référé de telle manière que notre contact a semblé en être approfondi, éclairé.
Il a abordé alors, sans la nommer, la question du conflit qui nous oppose à Roger A
à propos de la réalisation des Jardins, avec ce qui a semblé être plus de mesure et
plus d’attention.
Il a comparé le besoin que, selon lui, chacun, de part et d’autre, devrait ressentir
d’offrir ses efforts à l’avènement de l’harmonie, à le peine de l’enfant devant la
souffrance de la mère et son désir intense qu’elle se rétablisse. …
On peut effectivement, si l’on écarte la préférence de l’ego à durcir ses positions et
se nourrir de réactions, continuer de vouloir et de souhaiter, quoiqu’il arrive,
fidèlement et honnêtement, qu’une harmonie véritable s’installe, sans à aucun
moment compromettre ce à quoi l’on croit profondément ni sa propre intégrité. On
peut s’assurer de n’accepter en soi-même qu’une énergie de bonne volonté éclairée
qui dépasse la petite personne et l’étroitesse exclusive de ses vues.
Mais il faut toutefois, et en même temps, cultiver cette capacité de discernement
qui saisisse non seulement les vérités qui s’opposent mais la fonction et la place
qu’elles devront occuper et la relation de chacune à l’ensemble – l’harmonie
supérieure – comme à la présence centrale.