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FJ - … Mais tu disais que, quand on est nombreux à se brancher, le branchement
est plus fort… Pourtant, ce n’est jamais pour ça que vous vous réunissez, ce n’est
jamais pour vous brancher ?
D – Ca peut arriver qu’on éprouve le besoin de se concentrer ensemble, mais c’est
alors dans le sens d’un appel, d’un besoin vraiment pressant, quelque chose qu’on
ne peut pas décider à l’avance, ni organiser, parce que ça doit venir d’un
mouvement, d’une nécessité…
FJ – Oui, ça n’a rien d’une cérémonie rituelle, évidemment…
…
FJ - … Si je te demandais de différencier les types de difficultés que rencontre
Auroville, que vous vivez depuis que vous êtes au travail… ?
D – Je crois qu’on touche au fur et à mesure, autant qu’on en est capables – c’est
toujours à la limite de notre endurance -, toutes les impossibilités, ce qui peut être
perçu comme les contradictions de la possibilité du progrès… On les touche sur tous
les plans et dans la vie, autant qu’on peut le supporter. Je ne sais pas comment on
peut différencier… Mais on les touche comme à la racine, elles n’ont pas besoin de
se développer, ce n’est pas spectaculaire, on les touche là où elles surgissent, là où
elles prennent, à la racine… On n’a pas besoin d’attendre que les choses prennent
de telles proportions…
FJ - … qu’on est contraint d’en tenir compte !
D – Et alors c’est généralement trop tard, parce qu’on devient des victimes, ou on
se révolte, mais on n’a plus le contact avec le moment – dans la conscience – où
cela vient comme une contradiction…
… Ce sont comme des nœuds qui, pour ce qui en nous a l’habitude de traiter avec la
vie, sont des impossibilités – qui sont stimulantes pour beaucoup d’êtres, pour
chercher des solutions, mais ici on n’a pas beaucoup de foi en ces solutions, on va
chercher quelque chose de plus… Et c’est difficile à formuler… On peut suivre des
« lignes » quelques fois, on peut dire qu’on va suivre la « ligne écologique » par
exemple, mais on est conscient en même temps que ça se passe plus profondément
que ça, que c’est un nœud qui se situe plus profondément et que, peut-être, il y a
un moyen plus simple : pas un moyen comme on l’entend, mais un pas de
conscience, plus réel qu’une solution extérieure…
FJ - … Mais qu’est-ce qui vous rend si attentifs à l’émergence des difficultés, à leur
apparition, alors qu’ailleurs en effet, on…
D – C’est… le mystère d’Auroville… c’est la Présence qui est là et qui nous…
« focalise »… On n’y échappe pas, c’est comme un faisceau… D’un point à un
autre, d’un point à un autre, comme ça, il y a comme un faisceau qui se promène…
On ne fait pas le progrès en une seule fois, mais il y a un petit peu de
compréhension et puis on y revient plus tard… Et ce n’est pas une volonté
programmée, ce n’est pas une décision de s’occuper de ça, puis de ça et ça, ce
n’est pas ainsi que ça se passe… Et quelquefois ça va très vite…
FJ - … Peut-on faire la distinction entre des difficultés proprement extérieures et des
difficultés proprement intérieures, qui viennent de vous ?
D – Je crois qu’on peut seulement distinguer entre les difficultés qui viennent de la
dimension plus complexe de la société humaine – le fait par exemple qu’on est dans
tel pays et que les conditions y sont telles, nécessairement ça a une action, ça
interfère, ou contribue… Ca, on pourrait appeler une difficulté extérieure ; mais
même là, on a toujours des points de référence intérieurs, dans les choses de la
vie, par exemple avec les villageois – on peut toucher la difficulté, la ressentir
véritablement…