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*4-10-1991, Auroville :

Je vais comme un pantin et une ombre qui crie, en silence… Un cri de douleur qui

n’est rien, une douleur sans nom ni forme : la douleur d’un trou, d’un vide obligé

d’exister, obligé d’être tel…

Tout est suffocant ; c’est comme une erreur…

… L’après-midi à Pondy, pour mon visa ; puis à essayer de trouver une nourriture

que je puisse absorber ; un moment au Samadhi, mais c’était inutile : rien ne

répond ; c’est comme une pierre qui tombe, et tombe, sans cesse, à chaque

instant ; c’est sans drame, sans couleur, sans motif ; et si çà brûle, c’est du feu

neutre de la destruction…

*5-10-1991, Auroville :

Ce qui m’a aidé aujourd’hui, c’est que j’ai pu trouver un travail de menuiserie que

je pouvais faire seul, sans être dérangé, tout au long de la journée ; cela a permis à

un peu d’énergie de couler à nouveau, et de remettre les choses en perspective…

*6-10-1991, Auroville :

N est revenu ce matin me voir ; mais je ne peux pas l’aider, ne le peux plus, ou ne

le peux pas encore ; il avait une plaie putréfiée au pied, que j’ai soignée.

Cette misère de notre condition : « sa » misère, la « mienne »… Je ne sais pas…

*9-10-1991, Auroville :

Je vois que je me trouve de plus en plus seul ; je n’ai personne qui m’aide à trouver

la juste relation au monde, avec qui une alchimie de progrès puisse s’établir. Il y a

seulement des êtres, surtout parmi les « ouvriers », dont les yeux, la présence, la

tendresse me réconfortent et me soutiennent ; et quelques rares « Auroviliens ».

Mais personne n’est là à sa place près de moi à ma place.

Et il me semble que s’il n’y a personne là et maintenant, c’est qu’il n’y aura

personne « plus tard » non plus.

Alors la seule ouverture et le seul sens c’est que Tu me mènes à cet état où

« mon » existence remplira une fonction vraie, au-delà de la personne,

tangiblement, intégralement, une avec tout…

*10-10-1991, Auroville :

C’est comme une atmosphère venimeuse, ou un champ de mines.

Les incidents se produisent quotidiennement ; aujourd’hui pendant la pause du

déjeuner, il y a eu un échange d’insultes entre l’un des gardiens et un menuisier,

un pauvre bougre qui n’a pas toute sa tête, et le gardien, Govindraj, l’a frappé

avec un morceau de bois ; Durai me l’a amené, et j’ai dû l’envoyer à Jipmer pour

des points de suture ; ce matin aussi Kalidas s’est électrocuté en manipulant la

tondeuse à gazon, et j’ai dû l’envoyer au « Health Centre »…

*11-10-1991, Auroville :

Tout incident est utilisé ; les petits mensonges se coulent ou se plient les uns dans

les autres et l’atmosphère est polluée. Mais c’est la loi d’UNE substance, à laquelle

on ne peut échapper : on ne peut qu’appeler, et persévérer, et tâcher de ne pas

soi-même manifester la contradiction…