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*3-1-2000, Auroville :

On a tous besoin du support énergétique d’une activité qui ait un sens, si limité

soit-il, à laquelle on puisse se donner.

Même le yogi dans sa caverne doit adopter et établir une discipline, doit organiser

sa relation au temps, à la durée, et découvrir les rythmes qui vont scander son

progrès, son action et sa méditation.

Et plus nous nous engageons dans le corps vers la matière, vers la vie même de la

matière, plus nous devenons conscients, ou nous unissons à la conscience de cet

éternel enfant, et plus proche se révèlera le rythme nécessaire des pulsions, ou

pulsations essentielles et permanentes de la création.

Ce support énergétique dont nous ne pouvons encore nous passer est nécessité par

la séparation.

Tant que nous évoluons dans et par la séparation, nous ne pouvons percevoir du

réel que des échos et des reflets ; nous devons nous orienter dans une pénombre,

une demi obscurité semée d’abîmes, sujette à des ténèbres incomprises, un milieu

dont les frontières indistinctes semblent parfois plongées dans l’inertie.

Nous devons sans cesse, quotidiennement et sans relâche, nous définir contre le

chaos, le désordre insensé, la confusion qui menace de nous défaire et nous

absorber.

Quand après combien de périples et quelque somme imprescriptible d’expérience

nous commençons d’apprendre à nous centrer et nous reposer, par un mouvement

de foi ou de confiance qui peut se dispenser de la raison et de ses calculs, et que

nous nous laissons porter et habiter par un sens qui émane du dedans de soi, nous

acquérons proportionnellement une marge de choix envers l’activité qui sera la

nôtre.

Nous lui conférons alors l’ampleur, la profondeur et la portée de ce que nous

sommes, et serions en toutes circonstances.

Mais tant que nous ne sommes pas intégralement unifiés, que toutes nos parts,

tous nos aspects et tous nos mouvements ne sont pas consciemment centrés,

l’activité disciplinée demeure en grande partie à la fois le terrain et la condition de

notre croissance.

Il est impossible de s’en remettre à la pratique d’une spontanéité inspirée à tout

instant, aussi longtemps que l’unification n’est pas entièrement accomplie.

Cette impossibilité s’applique également à l’individu et à la collectivité : une

anarchie féconde d’harmonie ne sera possible dans le monde physique que lorsque

chacun des membres de la collectivité sera sûrement et irréversiblement établi dans

la conscience et la vie de l’Unité.

Seulement voilà : plus s’accroît la marge de choix et plus grandit la question de la

responsabilité.

La liberté n’est pas un confort.

Si la libération est synonyme de délivrance, de soulagement et de joie, ce n’est

pourtant qu’un évènement.

La liberté, elle, est un feu.

Un feu impitoyable qui élargit et creuse et brûle sans répit tout ce qui en soi et par

soi se refuse, se recroqueville au bord de la naissance, redoute de perdre son

acquis séparé, craint le nouveau et tremble devant l’inconnu.

Un feu qui nous met en face de nos prétentions et de nos professions, qui nous

défie sans égards de nous mesurer à l’idéal, qui nous projette dans la complexité

du monde et nous fait réaliser encore et encore la vanité de nos opinions et de