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17
Alors je voulus une étape, une transition lumineuse : je télégraphiai à mon ami et
compagnon C.V de venir me rejoindre à Copenhague, dans la clarté limpide du
Nord, lui et moi seuls et loin de tout ce que nous connaissions.
Nous vécûmes là sur un bateau amarré au quai, quelques jours d’un intermède que
nous avions pu dérober à l’inexorable nivellement.
Puis nous redescendîmes.
C’était concrètement, là où le corps et l’être intérieur s’étaient trouvés et unis,
comme une culbute dimensionnelle. Dans l’air même, il manquait l’essentiel.
Mais il fallait vivre, comme tout le monde, et apprendre à partager autant qu’il
serait possible.
Je retrouvai les « miens ». Ce que je ramenais en moi-même, cela aurait-il pour
chacun d’eux un sens ?
Je dus bientôt régler cette question de service militaire.
Nanti d’un certificat rédigé par un ami médecin et psychothérapeute, je me laissai
volontairement couler dans un état de vulnérabilité psychologique extrême et me
présentai ainsi à la commission médicale. Je fus de suite exempté. Ce n’était pas
mentir ; de leur point de vue, ma seule bisexualité leur aurait posé problème et je
leur épargnai, en fait, bien du tracas.
Il sembla que la démarche la plus évidente serait une vie commune, apprenant à
s’organiser et développer notre conscience avec Elle et Sri Aurobindo comme base
et comme guide.
Chaque fois que je servais de relais pour mettre quelqu’un en contact avec Mère et
Son travail, je me sentais rassuré, utile. Quel que soit le résultat apparent de toute
rencontre individuelle, quiconque entrait dans l’orbe de ce grand labeur terrestre,
entrait aussi dans la protection exacte de ces grandes ailes de vérité dont l’onde
transformatrice était prête à agir dans tous les cœurs.
Deux amis, qui m’avaient rendu visite à Pondichéry, avaient acheté un petit
château délabré du côté de Vézelay dans la forêt, avec ses champs vallonnés et son
ruisseau et sa grange.
On y emménagea petit à petit, colmatant les toitures, comblant les brèches,
arrimant nos tentes de nomades devant les grands âtres de pierre, faisant nos nids
dans les combles, essayant de rassembler utilement nos capacités diverses.
Certains ne faisaient que passer tandis que d’autres choisissaient de rester, mais
tout semblait répondre à une logique souriante et joueuse qui articulait la
coïncidence jusque dans le détail et l’instant, comme si cette vaste Présence
bienveillante et rigoureuse en même temps s’offrait comme un nouveau milieu –
une autre atmosphère se faufilant, s’imbriquant dans l’atmosphère terrestre.
Mon ami C.V décida lui aussi de faire le voyage jusqu’à Mère, et j’en informai Nata.
De mon côté j’éprouvai vite le besoin d’une réassurance, de la perspective plus ou
moins éloignée, mais sûre, de mon retour, pour mieux me concentrer sur les
changements nécessaires. Je communiquai ce souci à Nata, en Août.
Il ne put me répondre que le 19 Septembre.
(Il est à noter ici que Nata n’était pas Sanskritiste ; Mère avait, de Sa belle écriture
régulière, tracé mon nom « Divakar » ; tandis que ma propre écriture était un
mélange de caractères « classiques » et de caractères « scriptes » et je me rendis
compte plus tard qu’il était possible de lire ma signature comme « Divakat » avec
un « t » final, plutôt que « Divakar » avec un « r ». Pourtant je n’ai pas remarqué,
pendant longtemps, que Nata avait fait cette confusion.)