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Ici près de mon frère qui revient lui aussi de Toi, tout plein de Toi, l’enthousiasme à
parler de Toi, les choses… tout est brouillé un peu… mais je sens beaucoup que Tu
m’aimes, c’est-à-dire, quelque chose en moi s’est beaucoup rassuré…
Je pressens comme s’il y avait une sorte de plateforme, de base supérieure à côté
de moi et que je devrais parvenir à y sauter, avec mes pieds pour ainsi dire, à y
bondir, ou me tendre et m’y trouver, enfin, debout sur cette plateforme, et qu’alors
tout serait uni et clair. Est-ce la perception d’une expérience pour une partie de
l’être seulement, ou pour tout l’être ?
Aussi j’aspire à ce que, pour l’Ashram et pour Auroville, vienne une grande et forte
période de calme et de silence, même peut-être une baisse des activités et comme
un « oubli » ; j’y aspire parfois très fort. Peut-être quelques mois, ou une ou deux
années. Mais que l’effervescence se dissipe, que les écumes se retirent, que la
curiosité s’éteigne et que les cœurs viennent plus forts en avant, goûtant le sens de
la vraie épreuve, que les désirs d’expansion et de réalisations s’éteignent et que
Ton seul Cœur puisse, en sa tranquillité toute-puissante, en sa rapidité suprême et
silencieuse, lentement monter et emplir tous les êtres de son eau limpide, de sa
joie, de sa vérité, de sa certitude qui est connaissance, de son amour tout créateur
de beauté.
Douce Mère, j’aspire à ce que tous le sentent – que rien de vrai, d’éternel, ne
pourra se faire si les conditions d’harmonie ne sont pas remplies, si la tension et les
rapports de force subsistent et restent admis.
Pourtant tout cela est inévitable, bien sûr, il faut accepter de travailler dans ces
conditions… mais pas trop longtemps !
Quelle joie, quel rire de parler de Toi, de penser à Toi avec mon frère qui T’aime !
La victoire de Ta Présence en nous sur toutes les ombres qui séparent et divisent.
Tout ce que Tu donnes, tout ce que Tu nous donnes, tout ce que Tu donnes à la
Terre, tout ce que Tu fais pour la Terre,
Et Tu es seule…
Cela, souvent : Tu es seule.
Alors, le désir, l’aspiration à T’aider, à Te servir…
*12-12-1972, Paris :
Lorsque je comprend un effort à faire, un progrès, un obstacle à surmonter, alors je
cherche une attitude pour Te servir ou pour vaincre ce qui me sépare de Toi ; mais
tout cela est calcifié, fossilisé, et le tout continue de vivre et Tu dois attendre que je
revienne à un instant de vraie aspiration pour de nouveau verser un peu de
lumière…
*14-12-1972, Paris :
La conscience du corps. C’est une conscience qui existe en elle-même. Elle possède
des qualités qui lui sont propres, parmi lesquelles un humour très doux, un humour
d’identité avec tous les corps, un enthousiasme constant pour le progrès, un sens
très exact des besoins et des possibilités et une certitude que je ne parviens pas à
définir… Lorsqu’on entre dans cette conscience, on entre en même temps dans une
sincérité très simple et totale et dans une joie qui est une sorte de jubilation
tranquille et spontanée.
Cette conscience affleure parfois en moi comme un élan à l’effort physique, un
besoin de progresser avec mes membres, comme en jouant, comme l’enfant
progresse en jouant et se nourrit d’amour et d’énergie en donnant sans compter.