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l’Inde où la dimension spirituelle est la plus tangible que s’embrase cette sève
silencieuse comme une poignante aurore. C’est en France !
Peut-être dans d’autres espaces de l’Europe, je n’en sais rien ; peut-être aux Etats-
Unis, je ne puis le dire. Mais il y a en France un concours de facteurs déterminants
qui rend son terrain propice, une association que l’on pourrait croire circonstancielle
au sens historique ou sociologique, mais qui, je crois, est aussi l’expression d’un
destin et d’un rôle particulier dans l’évolution.
Et d’abord le phénomène d’un désarroi de plus en plus pressant parce que de plus
en plus partagé, répandu, immédiat : c’est la faillite des institutions mentales et
des principes d’action érigés en morale universelle, en face de la marée de ces
contradictions humaines qu’ils ne peuvent ni contrôler, ni endiguer, ni même
apaiser. Encore moins résoudre.
C’est le sentiment croissant, de plus en plus évident, qu’aucun système ne pourra
créer pour nous les conditions du bonheur ; ni ici ni ailleurs.
C’est la mise en présence les unes des autres, dans un même contexte de
débrouille relativement contenue ou surveillée, de beaucoup de races, de cultures
et de fréquences mentales et émotionnelles ; et de beaucoup d’histoires, de
réservoirs d’expérience collective.
Et c’est l’omniprésence, dans le plus anodin comme dans le plus sophistiqué des
détails, d’une influence froidement délibérée dont l’intention est d’enrôler les
individus comme les masses au service d’une uniformité de conduite et de réponse.
C’est l’emprise de plus en plus perfectionnée du pouvoir de l’argent, de l’ « avoir ».
*29-12-1999, Auroville :
La lumière est cette somptueuse clarté de notre hiver : l’air est doux, le ciel est
lavé par les pluies récentes, le soleil rayonne obliquement, sans violence, et chaque
couleur est sertie exactement dans l’espace d’une paisible luminescence.
Et en France ce sont des tempêtes d’une brutalité formidable : des dizaines de
milliers d’arbres ont été abattus près de Paris et à Versailles ; un vaisseau pétrolier
s’est naufragé dans l’Atlantique il y a plusieurs jours et des tonnes et des tonnes
d’huile noire et visqueuse affluent sans cesse vers les rochers de la côte bretonne,
asphyxiant les poissons et collant au plumage des mouettes et des cormorans ; des
milliers de volontaires sont sur les grèves et les plages et les rocs pour nettoyer à
mesure que chaque vague dépose un peu plus de cette glu noire et puante, et il fait
froid et les pêcheurs sont désespérés. Et le capitaine du navire brisé est un Indien
d’Ajmer ! Il est en liberté surveillée ; il naviguait au compte d’une multinationale
basée en France.
C’est curieux : tous les jours sauf un, je crois, que j’ai passés dans Paris en
marches et vadrouilles, j’ai eu la grâce de la lumière la plus belle, la plus limpide
dont on puisse rêver ; c’est précisément ainsi qu’il faut rencontrer cette ville et sa
magie, dans l’air sec et mordant de l’automne, quand les ors et les rouges des
arbres se mettent à danser contre le vert bronze des conifères et que se dégagent
un peu déjà, vers une nudité qui appellera bientôt le manteau blanc de la neige, les
membres bruns et noirs de leurs branches.
Et le spectacle qui m’avait de suite ému, déjà à Weymouth sur le rivage anglais de
la Manche, mais de plus en plus à chaque promenade et à chaque déplacement,
comme la surprise reconnaissante pour un baume actif auquel on avait cru devoir
renoncer, fut celui de tous ces signes concrets d’un effort, d’une volonté réfléchie,
engagée, concertée, ordonnée de rétablir une relation harmonieuse avec