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produise, il faut qu’un certain soulèvement de l’humanité dans son ensemble se soit
déjà effectué ; pourtant il ne semble pas que ce soulèvement collectif puisse
s’accomplir bientôt sans que la Force consciente du prochain Etat n’intervienne
librement dans le jeu des forces connues ; mais cette Force, comment pourrait-Elle
entrer dans notre conscience collective, comment le voile qui nous en sépare peut-il
être déchiré pour tous sans que, par le pas décisif de quelques-uns, soit ouverte la
brèche évolutive ? Tel semble être le tour du cercle !
Ou bien la seule solution se trouve-t-elle dans un certain nombre critique
d’individualités qui, simultanément, parviennent à ce point de rupture et de
franchissement à la fois, comme la culmination d’un certain nombre de cris incarnés
en un certain nombre de points à la fois, pour que se verse d’un coup, d’en-dehors
du temps dans le temps de tous les corps à la fois le grand flot cohérent qui sera la
base consciente de la marche à venir ?
Que par l’acte, conjugué sans le chercher, d’un certain nombre simultané d’appels
et d’abandons entiers, sans plus aucunes réserves ni craintes, sans plus aucuns
calculs, la réponse puisse envahir tout le champ de l’humanité ?
Y éveiller dans tous les corps une perception nouvelle, dont l’objet serait aussi
concret que l’air, aussi fondamental que la vie cellulaire, aussi évident que le sens
même d’exister ?
Une perception qui permettrait à chaque être de trouver le geste à faire, la pensée
à accueillir, l’émotion à célébrer, qui nourrirait d’un sens nouveau et plein
l’opération de chaque instant de la vie, de chaque pulsion de matière ?
C’est comme un reflet ou un balbutiement de cela que j’ai perçu au cours de ces
semaines passées dans le large des foules et l’étendue multiple des villes et
l’atmosphère même de tout un pays, et il y avait à cette présence, à laquelle
aucune source ne pouvait être attribuée, comme des caractéristiques constantes.
Un peu comme, à la rencontre d’un peuple ou d’une race, se dégagent des traits qui
ensemble composent son unicité.
Et le plus évident de ces traits se résumait pour moi dans le mot « gentillesse ».
Mais une gentillesse positive comme une énergie, un regard permanent et plein,
lucide, libre de toute illusion comme de tout calcul, affranchie de toute
sentimentalité mais d’autant plus profonde et sûre, discernante comme un œil
voyant que rien ne peut tromper mais au-delà de tout jugement, à la fois
impersonnelle et directement intime, proche sans errer.
Infiniment prudente aussi, c’est-à-dire que l’on ne peut ni capturer, ni récupérer, ni
utiliser.
Procédant en même temps d’une acceptation totale de notre condition et d’un refus
total, sans aucun appel ni compromis possibles, de tout ce qui voudrait la prolonger
ou en justifier la persistance pour des fins intéressées.
Il s’y trouvait de l’humour aussi.
Comme la légèreté d’un sourire qui est revenu de toutes les négations, les plus
brutales soient-elles, de tous les abîmes, les plus définitifs aient-ils semblé à
l’expérience, de toutes les trahisons et, oui, de toutes les morts.
Il m’a paru aussi que cette présence, cette manifestation ne pouvait affleurer, se
révéler et se produire qu’à la faveur d’un certain brassage et d’un certain ferment
– justement, une sorte de soulèvement collectif suffisamment intégral ou incluant
suffisamment de données et d’éléments terrestres.
Et alors il y avait là comme une ironie car, de tous les pays de la Terre, la France
n’est certainement pas le plus spirituellement éveillé ; et pourtant ce n’est pas dans