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*29-3-2000, Auroville :

Dans la mesure où l’on ne peut pas encore renoncer à établir individuellement une

harmonie ou une eurythmie quotidienne, ce processus auquel nous sommes soumis

peut bien être décourageant.

Mais c’est qu’il nous faut, à chacun et ensemble, trouver le secret d’un équilibre

direct, dans l’instant de la conscience, qui génère sa propre harmonie, sans calculs

ni prévisions, sans anticiper ni investir le moment à venir…

Du point de vue de l’énergie, ce peut être passionnant ; mais un autre problème se

pose, profondément pratique. Nous abordons là la vraie pratique, le chemin tout à

fait concret : car pour pouvoir soutenir à chaque instant de chaque heure de

chaque jour et chaque nuit le flot ininterrompu de cette manifestation, il faut être

absolument et irréversiblement et intégralement uni à la Conscience Force.

Il faut que plus rien en nous, plus aucune part de notre être, plus aucun

mouvement, plus aucune opération de la vie en nous et dans nos corps, n’éprouve

le besoin d’un repos ou d’un répit séparé – d’un repos d’oubli et d’inconscience,

d’une disparition momentanée dans un néant automatique, d’une immersion

passive dans un milieu obscur, la détente de l’une de ces multiples pénombres où

l’on participe aux soubassements semi conscients des mondes et des évènements

sans avoir à les offrir, sans avoir à progresser, où l’on redevient élémental ou bien

absorbé par quelque état plus informe, où l’on se laisse dériver dans des

respirations obscurément impersonnelles, des pulsions plus vastes dont nous

ignorons les termes où l’on flotte, abrité par la protection du corps, au gré des

courants d’une vie subliminale, le lit fluide et omniscient de la Nature…

… Bhaskar ne semble pas réellement disposé à quitter la maison, à se retirer de

cette vie auprès de moi ; il attendait finalement que je lui en donne l’ordre ! Mais je

ne puis que souligner pour lui les termes de ses choix, en l’assurant de mon soutien

dans un cas comme dans l’autre.

… Ce n’est qu’en me trouvant transporté dans un contexte humain ordinaire –

ordinaire par rapport à celui, justement, de ce laboratoire – qu’il m’a été donné de

pouvoir vérifier l’application de ce que j’ai appris ici, sans pouvoir jusque là le

mesurer ni même m’en rendre bien compte, tant ce qui prédomine dans notre

expérience de chaque moment et chaque situation est le sens de notre faillibilité,

inaptitude, grossièreté, opacité.

Et j’ai constaté que ce que j’ai appris au cours de ces années ne constitue ni un

savoir ni la maîtrise d’une technique de vie, ni même une réalisation quelconque,

mais quelque chose d’à la fois plus diffus et plus dense, plus universel et précis,

plus actif et silencieux, quelque chose qui s’apparente à plus de présence au

monde, à plus d’évidence, à un secret d’incarnation.

*1-4-2000, Auroville :

Un vent froid s’est levé de la baie du Bengale, après plusieurs heures de pluie.

La plupart de nos travaux sont arrêtés pour la journée.

Ici, c’est un repos et une douceur de pouvoir parfois contempler les cimes des

arbres dans le ciel gris – et comme le vert est riche de nuances !

Sûrement il faut pouvoir accepter, paisiblement accepter, d’être zéro – neutre :

inactif… Que la conscience ne dévoile en soi aucun dessein, n’y manifeste aucune

volonté, n’y induise aucune orientation : comme une barque immobile dans le

silence. Tout autour, les autres barques se meuvent au loin, leurs trajectoires

définies ; mais là, c’est un îlot de gel, comme si on existait juste en deçà du plan

commun – on existe en fait beaucoup plus dans la perception des autres…