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Je suis content de me retrouver seul, mais un peu désorienté, comme après un
rétablissement brutal.
Aller, réfléchir, suivre les mouvements, écouter, regarder mes marches de la
lumière, entendre sans camouflages, reconnaître qu’il y a dans mon corps un être
qui reçoit, qui transcrit, et que c’est moi-même – et le guérir ?
J’ai entrepris cet autre voyage pour m’apprêter.
Ici, il n’y a pas de « beatniks ». Je n’ai vu que quatre ou cinq touristes. Le plus
difficile dans cette ville et qu’il n’y a pas de place, de café où l’on puisse rencontrer
des gens de toutes sortes. Mais plus chère aussi est l’amitié que l’on acquiert –
quelquefois spontanément, quelquefois après bien des examens, des regards, des
offres et des demandes à peine découvertes faites avec une sorte de malice, certes,
mais sans l’inhibition fourbe que l’on trouve en Occident.
Mais je n’aimerais guère rester ici plus longtemps, bien que la ville soit assez belle
et comme ouverte sur le ciel, telle une gerbe animale au fond de l’océan. Il y a,
comme partout en Arabie, une sorte de luxe quotidien à la portée de tous qui fait se
demander par quel défaut nous avons créé tant d’objets de confort pour mener une
vie aussi déséquilibrée, aussi étriquée…
Ce que je ne parviens pas à comprendre, c’est s’il existe vraiment une guerre
actuelle… Des nouvelles arrivent de soldats morts dans des batailles entre nations
arabes, les gens parlent beaucoup d’Israël ou de la manière d’accéder aux pays
voisins, par le désert, afin de les attaquer, il y a de nombreux déplacements de
militaires, des manifestations brèves et peu violentes de la part des étudiants, mais
personne ne semble savoir exactement quelle est la guerre menée dans cette partie
du monde. Il n’y a pas non plus cette agressivité envers les étrangers dont on
m’avait parlé… peut-être en Irak ?
Ecrire… Je ne l’avais pas fait depuis des mois. Ecrire, comme je le ferais à une
personne vivante, mais pas tout à fait… Ne plus osciller entre la folie, l’angoisse, la
connaissance limite, ne plus maltraiter la mémoire, ne plus hurler sur le fil tendu de
désespoir vers le surhumain, mais simplement connaître et quérir la possibilité
d’aimer quiconque…
Je ne sais rien… Si, je sais ce qu’il faut combattre, je sais que la vanité est
mauvaise.
Ce que j’ai vu, je ne puis pas le dire… je souhaite le vivre, et apprendre de l’autre,
mais surtout le vivre et l’apprendre avec l’autre.
Je pressens une existence jamais accomplie, une possibilité de bonheur et de salut
communs. Je ne vois pas seulement la nécessité d’aboutir au « salut » individuel
afin de se fondre dans l’harmonie du fait de l’univers, je vois autre chose, une sorte
de lutte lente et consciente, faite à plusieurs, pour conquérir la liberté du côté de
l’existence déclarée, formalisée…
L’homme a toujours eu peur dés qu’un embryon social s’est déclaré. Je crois que
pour l’idée homme, pour l’homme virtuel contenu dans le sperme de l’homme vécu,
il n’y a pas de culpabilité. Mais nous avons encore le pouvoir de l’étouffer, peut-être
à jamais. C’est pourquoi nous devons l’accompagner en le devenant afin qu’il
prenne place en nous et dépasse notre souvenir.
Je n’ai pas peur de la mort, bien qu’encore je la désire… L’enfant doit trouver sa
démarche seul, sans altérer celle du père, enfant de lui-même. Le vieillissement est
solitude, conscience du besoin de la nature de recouvrer infailliblement les êtres qui
d’elle se sont dressés et ont parlé.
Mais si nous faisions confiance à notre pensée en comprenant peu à peu les places
qu’en elle nous avons divinisées, si nous étudiions par la vie les facultés multiples
qui sont au fond de chacun, comme en attente, et celles qui en découlent au long