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« bien, bon »… Ici, mon passage provoque des réactions soit d’agressivité, soit

sexuelles. Parfois un sourire, un regard reposants.

Mais le peuple semble assez hostile aux étrangers, un fanatisme durcit les traits.

Les femmes sont extrêmement belles, étrangement longues, aux visages de

grecques anciennes noircis par le soleil, aux yeux souvent très rapprochés, très

noirs, une expression de personnages fabuleux. Elles portent de longs voiles noirs

et, souvent, un anneau d’or serti d’une pierre précieuse à une narine.

Bagdad est assez attrayante. Depuis elle jusqu’à Basra s’étend un immense champ

d’herbe rase ponctué çà et là de palmeraies très denses. Par endroits le fleuve

décrit une boucle et s’élargit, c’est alors un vaste étang dont la surface très pure

est cernée de roseaux. C’est une vision radieuse, infinie, comme au large de toute

césure de l’existence. L’on voudrait d’enraciner parmi les branches et vivre cette

lumière.

Un peu avant notre arrivée, le soleil s’est couché sur la droite, noyé dans la fusion

de ses couleurs. La nuit tombe très vite ici. Je voulais dormir près de la mer.

J’ai changé mes chaussures contre des sandales, j’ai vendu ma veste. Puis j’ai

marché le long de l’estuaire en suivant les palmiers, sur quelques kilomètres. Cela

m’a valu cinq heures d’attente, d’un bureau de police à la caserne et de la caserne

à un autre bureau, entouré de militaires comme une personne dangereuse. Je

m’étais aventuré dans une zone interdite…

Ce soir, en rentrant, j’ai été suivi par un homme qui a plus qu’insisté pour que je

marche avec lui… « Just give me your hand, I love your eyes, let me do, just your

hand, I don’t touch you, I am a good man… ».. Je me suis moqué de lui gentiment,

il n’était pas mauvais. C’était un mouvement d’aide, comme à l’égard d’un mutilé.

Je pensais à mon homosexualité qui semble disparaître peu à peu. Lorsque je suis

près de S.B., je n’ai pas envie des hommes, je sais alors que leur corps est

semblable au mien et les jeunes garçons ne m’attirent plus qu’en tant que

catalyseurs de la tension sexuelle immanente à tout groupe d’êtres. Loin d’elle, je

pense à son corps, à sa parole, à la géométrie fantastique de sa figure, mon sexe

lui est destiné, sans regret, sans consumation… Cet homme, ce soir, lorsqu’il a joui

seul dans le vide, avait une expression de souffrance. Il posait la tête sur mon

épaule en me remerciant, je n’ai pu que lui frapper doucement le visage en riant.

L’économie du sperme est une chose bien pénible pour un homme seul.

Je sens la fatigue sous les yeux, j’ai envie d’obscurité, de penser les choses jusqu’à

les dormir. J’ai hâte de retrouver l’Inde et de savoir si j’y tiendrai.

*Fin Octobre, Kuwait :

Je ne sais comment je parviendrai en Inde. Pour obtenir un visa, j’ai dû me couper

les cheveux. Je me sens mieux.

Les habitants du pays sont comme des enfants. Ils sont sortis du sable pour monter

dans des voitures somptueuses, cliquetantes de gadgets. Parfois un de ces hommes

très riches, sortant de sa fabuleuse automobile, la tête couverte de la coiffe blanche

plaquée par le cerceau noir, me regarde et me salue, comme de puissance à

puissance.

Hier, j’ai rencontré un jeune Arabe des Etats du Golfe. Nous sommes devenus amis.

Dans l’après-midi un vent violent s’était levé de l’intérieur, fondant les rues et les

terrasses dans un flot de poussière, puis l’orage a enflé jusqu’à la nuit, pour éclater

pendant plusieurs heures. Des maisons et un hôpital ont été détruits.

Aujourd’hui le ciel est pur. Je suis retourné avec Sead sur la plage qui se trouve

près du petit port où sont ancrés les voiliers du Golfe.