Table of Contents Table of Contents
Previous Page  47 / 1424 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 47 / 1424 Next Page
Page Background

47

l’enchaînement me conduisait dans un hôpital où j’avais à faire face à toutes sortes

d’obstacles, parfois humiliants. Un autre rêve avec mon père, que je retrouvais

dans une fabrique de faïence et métaux, entouré de sa famille, et il passait dans

nos gestes une nouvelle entente, c’était fort… Un troisième rêve où Mammy

partageait avec moi de graves risques et nous avions à faire des escalades très

périlleuses en haut d’immeubles en ruine, et A.F, « ma femme », tentait de nous

aider à parvenir à sa chambre, sous les combles, dans laquelle elle était cloîtrée…

Hier soir, j’ai fumé le shilom avec quelques autres et, après m’être allongé dans

l’obscurité de la petite pièce où je dors, j’ai senti une présence féminine qui venait

me donner le bien, la paix. J’ai craint que ce soit un désir de sécurité fœtale, puis

j’ai « entendu » A.F qui venait vers moi, avec sa douceur et ses délires, comme elle

voudrait toujours venir dans la vie, et j’ai tenté de lui répondre le plus tendrement

possible ; mais au moment où nous allions nous rejoindre, O.B. est apparue, et sa

structure, sa force, m’ont étouffé d’angoisse ; je l’ai ressentie comme une

puissance mauvaise… je me suis souvenu de notre vie commune et de notre

rencontre – j’avais 16 ans à peine – et je sais combien A.F la craint et ressent en

elle l’obstacle qui revient infailliblement nous séparer, alors que c’est enfin

possible… ; je connais O.B. si bien, elle est ma passion et, auprès d’elle, aucune

autre ne subsiste, et je l’aime mieux qu’aucun autre aussi, bien que je ne l’estime

pas réellement ; je l’ai aimée avec patience, endurance, et je le pouvais…

Je crois qu’un vide s’étend, qui est en même temps un tamis au travers duquel ne

passeront que les grains… et il n’y a jamais autant de grains que l’on croit !

J’ai joué avec les cartes, seul : la mort se tient sur mon chemin en tant que

puissance… une fois parvenu au cœur, je dois me tourner à nouveau vers la mort et

la comprendre en vivant les éléments d’une honte que j’appréhende… jusqu’à ce

qu’elle s’achève, s’étant ouverte et déroulée à sa plus haute place… ; alors je peux

acquérir la connaissance et le temps n’a plus d’importance car la « chance » et la

mort ont disparu de mon évolution…

J’ai contemplé le symbole du soleil, écouté le message de la nature… j’ai vu l’or

flamber et le feu pur se tenir en un fruit.

Il me semble avoir reconnu quelqu’un que j’avais longtemps recherché, sans trop y

songer, mais je ne suis pas sûr… Pour le seul plaisir de laisser mon corps libéré

recevoir les rayons du soleil et brunir contre le sable, je resterais ici plus

longtemps ; mais je sens d’autres modes, d’autres forces ; je partirai dans

quelques jours.

Hier au soir, j’ai eu une expérience pénible… les symboles peuplaient l’obscurité, je

suis parvenu devant une petite église blanche, fermée par une porte de bois bardée

de fer, devant laquelle on avait allumé six bougies, trois devant chaque battant ; je

ne savais plus de quelle source j’étais né ; je me suis senti chrétien et mes genoux

m’ont emporté vers la terre ; ma pensée s’est concentrée sur la porte de l’église,

de gros insectes sombres ont traversé sa surface ; j’avais un besoin obsessionnel

de situer la mort et ne pouvais m’assurer de rien, était-elle silencieusement

existante, enclose dans les murs de l’édifice, ou bien se tenait-elle éparse alentour…

Lorsque je suis revenu à moi, j’ai vu un chien couché près de moi, dans une

attitude d’écoute ; je me suis levé et le chien est parti de son côté…

Ce matin, les occidentaux que je rencontre tous les jours sur cette plage me sont

apparus autrement ; je m’apercevais de leurs tares et voyais chacun comme un

malade ; celui-là, ancien splendide jeune Américain aux cheveux d’or, avait le corps

couvert de boutons craquelant sous le hâle, le ventre enflé et les yeux injectés de

sang et vides d’humanité ; celle-là, en sécurité dans l’opulence de sa chair, ses gros

yeux bleus protégés par les verres de ses lunettes, ne cessait de parler ; une autre,

bouffie de graisse, les dents cariées, pratiquait un sourire étrange et son regard