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des temps, si nous ne chargions plus le langage de nos craintes, de nos désirs de
malades, si nous nous entendions, alors nous parviendrions à nous dégager
ensemble de la roue impossible – chaîne, douleur de l’humanité.
Tout est à découvrir en s’aimant. Ceux qui inventent et affirment n’apportent que le
trouble et la négation de l’idée qu’en eux ils ont portée. C’est pourquoi tant de
belles philosophies sont restées si proches de la mort, du néant de soi et de la
méfiance. C’est pourquoi les structures se sont renforcées jusqu’à devenir presque
impénétrables à moins de souffrance, contrairement au sens même de ce qui vit…
Nous sommes à une frontière. Il est possible – logiquement – que nous
disparaissions en modifiant quelque peu la disposition des corps de l’univers.
Mais, si nous la passons, nous apprendrons à vivre heureux.
S.B. me manque intensément.
J’ai pris un billet pour Bagdad. Encore deux jours ici.
Ce matin, quand je suis sorti, j’ai assisté à un immense défilé qui regroupait
presque toute la ville. Des soldats aux visages très jeunes tenaient de larges
banderoles, les jeunes filles de l’Ecole Militaire, en tenue kaki, pantalons, tuniques
serrées à la taille et fichu, scandaient les phrases, accompagnées par les écolières
du couvent franciscain. C’était une manifestation pour les résistants palestiniens, à
l’occasion d’un heurt entre les troupes libanaises et syriennes. Désormais la route
entre les deux pays est coupée. Il y eut ensuite un « meeting » assez violent sur
les hauteurs de la ville. En revenant du quartier des ambassades, j’ai vu la foule se
disperser ; les uns riaient, d’autres semblaient graves et il émanait d’eux une sorte
d’agressivité que, sans doute, ils ne comprenaient qu’à demi. Je crois que la
majorité des jeunes hommes a été réquisitionnée.
Demain, j’irai sans doute passer la journée à la campagne ; ce sera vendredi. Les
paysannes que l’on voit ici sont fort belles, vêtues de robes cintrées, de couleur
mauve, violette, bleue, à plastron brodé, et coiffées de turbans noirs desquels
retombent des cloches de soie.
La fièvre qui me tenait s’en va lentement, laissant des migraines brusques et
fatigantes. Je marche tant que les muscles des jambes me font mal. Je ne sais trop
où j’en suis… Des itinéraires fascinants s’égrènent dans mon crâne, des rêves
pénibles me rejettent hors du sommeil. Je ne veux rien oublier.
Hier mes deux amis m’ont offert, l’un une petite broche portant l’initiale de mon
nom, l’autre un portefeuille en plastique. Jamil m’a posé des questions sur mon
voyage ; il a quelque difficulté à envisager les raisons qui me poussent à désirer
vivre ainsi, en Inde ou ailleurs… Pourquoi, en effet, alors que dans « mon » pays, je
peux travailler, me marier, apprendre, concevoir, prendre une maison et me nourrir
des choses que j’aime, ai-je besoin d’aller me rendre malade dans des pays où la
vie quotidienne exige tant de privations, de renoncements ? A cela, il n’y a rien à
répondre. Sinon que, peut-être, ce n’est pas si grave. Je suppose que chaque être
doit trouver un champ de sécurité suffisant pour être apte à la marche, où qu’elle le
conduise, en reconnaissant dans chaque chose, dans chaque évènement, une
familiarité, une similitude… La peur survient vite, mais la peur anticipée est plus
envahissante encore.
Voir aujourd’hui et ne penser aux lendemains que comme à des pierres vivantes
bordant un chemin infini sans lequel chaque jour serait une impasse…
Mon psychisme est prêt à croître, je le sens immobile après tant d’ébranlements, se
reposant derrière des fatigues passagères.
A Jewish Buddhist is coming into my head through a new Christ and he is a
complete man… Growing people dancing around dusty memories… a sunny sex is