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Je crois que je verrai mieux les choses quand je serai en Irak. Aujourd’hui, depuis
les hauteurs, le vent portait le parfum de la mer, et j’ai eu si fort l’envie de la
contempler.
Si je ne savais Fabienne devoir m’attendre à Pondichéry, je ne sais si je
continuerais dans cette voie. L’Ethiopie me tente aussi. Je crois que ce qui manque
aux Arabes du Moyen Orient est le sentiment de la pleine Afrique, de la terre mère
bruissante et sauvage, miraculeuse et béante. La sensation du sable sur la peau,
des mouvements des corps par les dunes, souvenir mêlé de prescience. Je n’avais
pas plus aimé les Turcs de l’intérieur, ni les Iraniens. Les Afghans sont différents, ils
forment une race noble, hautaine, conservant une extrême indépendance qui leur
confère une sorte d’aristocratie. Ils sont d’une contrée que seuls ils connaissent.
Ma tête, dans la solitude, est obnubilée par des détails de déplacements, de
transport, d’argent. J’ai du mal à concevoir cette liberté encore relative. Il est vrai,
au loin se tient immobile un point noir, une obligation relevant de l’irréel, du social,
du monstre… régler mes affaire militaires… Mais est-ce objectivement, en termes de
vraie vie, un obstacle à ma course, à mon évolution ? Ne puis-je pas l’envisager
comme un incident parmi d’autres prévisibles et qui n’engage qu’un moment de
moi-même ? « Inch Allah ! ». On verra.
Ma mère… demain peut-être une lettre d’elle… je la sens si attentive, si aimante, et
moi aussi je l’aime tant. Parfois je suis inquiet, je crains que R ne l’épuise ou qu’il
lui arrive quelque chose. Ce n’est pas étranger au désir que j’ai de sa disparition,
envisagée comme une « raison » suffisante pour couler, « mourir » afin, peut-être,
de la rejoindre ?
***
*15-10-1980, Auroville :
Mère, Tu dis que les souffrances, qu’elles soient morales, psychologiques –
affectives ou émotives – sont toutes dues à un mauvais fonctionnement du
mental… qu’on peut les classer dans le domaine du mensonge… Rétablir le vrai
fonctionnement et la possibilité même de la souffrance disparaît…
Mais voilà, cela prend déjà un tiers peut-être d’une vie « naturelle », avec Ton Aide,
et on est déjà sur le versant de l’usure quand le vrai travail peut commencer…
Pourtant, par la Grâce, les choses ne sont pas si rigides… il est une multitude
d’expériences qui, si elles se situent en deçà du seuil des formules, posent
cependant, inéluctablement, les bases d’une vie nouvelle, ici, et sont pour la
conscience des signes évidents de la transformation qui s’accomplit.
***
*Octobre, 1969, Basra :
L’Irak… que d’histoires… ! Une première nuit passée dans le vieux quartier de
Bagdad à me défendre contre les agressions sexuelles d’un Indien arabisé qui
m’avait emmené dans une sorte de cave où il dormait – j’étais arrivé tard dans la
nuit, avais déjà dû subir plusieurs contrôles d’identité, sa proposition me rendait
service - ; il parlait un Anglais mêlé d’Hindi, ainsi je sais que « tik, tik », signifie