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Un homme, dans une prison.
Le mal, comme le bien, nous ont mené à ce point.
La laideur et la beauté, l’amour et la haine, le courage et la peur, le désir, la
volonté, l’intelligence et la bêtise, l’art et la vulgarité, l’orgueil, la honte, la cruauté,
et la générosité, tout a contribué.
Les partis, les églises, et toutes les colonisations de l’ombre, de la peur et du
« moi », n’y peuvent rien changer ; elles s’annulent contre les parois souveraines
de cet espace où nous sommes cloués.
3.
On part de là où on est. Et un jour on y revient, et on sait.
Il est dit qu’une connaissance qui n’est pas simultanément un pouvoir d’agir n’est
pas une connaissance vraie.
Mais dans notre cas cette connaissance, certitude d’un périple abouti, si
impuissante soit elle dans les termes du périple, implique et porte pourtant une
étrange capacité : celle de reconnaître et de discerner un autre Pouvoir, qu’il est
hors de question de tenter de maîtriser, de contrôler ou d’apprivoiser.
Le Pouvoir vient par vagues. Et chaque vague est formatrice, créatrice de chaque
stade évolutif.
4.
Depuis ces premiers instants conscients où, debout dans une immensité physique,
à la fois familière et inconnue, face à l’étendue mystérieuse et féconde d’une Nature
inviolée, jusqu’à ce jour où, démultipliés à en suffoquer dans nos corps et dans nos
actes nous touchons les frontières infranchissables de notre état, une seule vague
nous a portés.
Dans ses remous, ses tournoiements, ses soubresauts, dans son écume et sa
puissance et ses calmes étales, nous avons tout éprouvé de son sens.
Historiquement ce sont des millions d’années physiques et nous avons fait un pas…
Aujourd’hui ce Regard en nous a grandi.
Aujourd’hui, là, juste en arrière, il voit : cette vague colossale, formidable se retire
et lui, il a grandi, et il sait : et de ce calme pressenti naissent et vivent déjà les
rythmes et les lois de la prochaine étape…
5.
Le vacarme, la fureur et le vide, la violence, la terreur et la morne indifférence, le
vertigineux pillage et gaspillage et la faim et la misère, et la mort lente et jamais
satisfaite, les plaisirs et l’ordre et l’art de vivre, et l’absurde, et la force constante
de millions d’aspirations et de tensions ultimement contredites, toujours déchues,
réduites ou niées, la grandeur et l’insuffisance : pourtant tout est là, et toujours
demeure ; le manifeste triomphe, et la force de son triomphe éternel nous oblige à
devenir, ou nous détruit.
Là, juste en arrière, juste là, c’est ce Regard qui grandit ; c’est lui le pont, c’est lui
le soi, et le bien-être, le calme qui voit et entend, lui qui sait écouter et recevoir le
signe, c’est lui : silencieux, sans jugement, il voit se retirer la vague, y disparaître
les anges et les monstres, les petits, les magiciens ; et déjà, sous le sable de la