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11.

Je n’avais pas encore vingt ans.

C’était l’année 1969, marquée par le toucher d’un certain rassemblement, comme si

un grand Quelque Un solaire révélait soudain à eux-mêmes et entre eux ceux que

sa semence attendait.

Dans les yeux de ceux-là venait comme une chaleur nouvelle, ou plutôt une joie un

peu plus qu’humaine, qui était comme un signe de reconnaissance.

On pouvait tout faire et ne rien faire, s’abstenir ou s’abandonner, cela n’avait

aucune importance ; dans ce feu qui avait enfin affleuré à nos yeux comme un rire

d’une nature un peu plus qu’humaine, et plus vraie, était notre sécurité imprenable.

Il n’y avait plus d’erreur ; il y avait ça, une semence radiante en nous qui répondait

à l’appel. Le temps venait.

Il y avait la tentation de vivre là-dessus, de laisser ça organiser les circonstances,

et nos corps ainsi s’épanouir.

Je me souviens, quelque part pourtant, confusément au-dedans, je ressentais plus

de substance à l’appel, plus de conscience, là, qui tirait ; comme l’aimant d’une

plénitude centrale, d’une présence plus réelle encore, un glaive, un regard radical.

Et qu’il me fallait marcher physiquement, me déplacer : que ce n’était pas là où

j’étais, qu’il n’y avait là que des effets.

Je sentais cela assez précisément pour dire : « je vais chercher ce qui nous

manque »…

12.

Ce que l’homme a nommé liberté, ce pour quoi il n’a cessé de lutter, est une liberté

relative : celle de pouvoir, sans contrainte arbitraire, déterminer les termes du

choix, faire le choix, et grandir par les conséquences de ce choix.

Ce que l’homme a nommé conscience, à laquelle il n’a cessé d’aspirer, est une

conscience relative : la référence la moins faillible, la moins corruptible, pour

déterminer les termes du choix, éclairer sa nature, et montrer ses conséquences.

Le premier choix essentiel, pour l’individu comme pour le groupe, est celui de sa

référence.

La question que l’homme n’a cessé de se poser et de poser à la vie, au manifeste,

est une question relative : existe t il une référence objective, universelle,

éternellement valide, pour déterminer les termes de tout choix ?

Trois nœuds de l’Histoire.

13.

L’homme a toujours senti, plus ou moins confusément, qu’il n’était en soi pas

grand-chose, presque rien ; mais qu’il était aussi, peut-être, ce presque rien, cet

absurde, ce toujours condamné, qu’il était peut-être aussi, malgré tout, la demeure

possible d’un Certain Habitant, à la nature ou la réalité de Qui il pouvait peut-être

tenter de s’unir.

Un être très intérieur, et très central, dont la permanence et la vision justifieraient

peut-être, un jour meilleur, le coût de toute l’expérience.

Et qu’à certains moments inexplicables il semblait bien qu’un contact s’établissait,

qu’un courant passait, chargé d’une autre expérience, d’une intensité plus pleine,

de mouvements et d’états comme d’une autre nature.