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Mais pour identifier cette action, il faut avoir cessé d’adhérer à la division entre

l’esprit et la matière, soi et l’autre, ici et au-delà, l’humanité et le monde, dieu et

les hommes : il faut avoir trouvé son âme.

*27-2-2000, Auroville :

Nous avons depuis deux jours comme une petite mousson hors saison ; ça verse,

ça cascade, ça trombe ! Il paraît que de mémoire d’homme il n’a jamais plu autant

au mois de Février ; en quelques heures la nuit dernière, tous les réservoirs

collectifs des villages voisins ont été remplis ; les nappes d’eau couleur de rouille,

virevoltantes et tournoyantes, sont partout ; l’excavation que nous venions de

terminer, entre le par cet les Jardins de Matrimandir, est pleine : plus de 10,000

mètres cube prêts à déborder…

Nous devions assembler les bûches pour le Feu de l’aube de demain, jour de la fête

d’Auroville… Le Feu ou l’Eau ?

Hier soir C m’a lu au téléphone la belle lettre de Laffont, en réponse à sa lecture de

mon manuscrit : il est à la retraite et ne peut imposer sa volonté sur le comité

d’édition, qui redoute que mon texte soit d’une lecture trop ardue ; mais ce qu’il en

dit lui-même, et qu’il se sente de la même famille spirituelle, me touche. Je lui écris

maintenant pour lui demander d’essayer tout de même d’aider ce texte à voir le

jour.

C se bat bien, et s’applique magnifiquement à ne pas se laisser entraîner, absorber

et dominer par cette force centrifuge que R émane constamment vers elle dans sa

souffrance égocentrique et obsessionnelle ; elle a 87 ans maintenant, mais elle a

d’abord l’âge imprescriptible de son âme et la compréhension d’une conscience qui

progresse et qui aime l’équilibre et l’harmonie, qui aime la vie.

*28-2-2000, Auroville :

La pluie s’est arrêtée dans la nuit, et le Feu a pris et flambé.

Un silence trop bref, incertain, comme bordé, cerné par une grande confusion.

Nous sommes comme un îlot qui s’effrite, dont les berges se jonchent peu à peu de

dépôts, ces choses et ces formations de la marée humaine qui s’avance

aveuglément sont autant de détritus polluants qui obscurcissent et compromettent

notre travail.

C’est l’un des effets de la gangrène de nos instruments de perception que nous

oublions si aisément cette simple évidence : la pollution extérieure ne peut se

produire que par une pollution intérieure ; ou plutôt, la pollution extérieure est une

manifestation de la pollution interne et, une fois le cycle enclenché, l’externalité

phénoménale élargit la brèche et nous entraîne dans sa gravitation.

Laideur, veulerie, égoïsme éhonté et mépris de la vie, pillage grossier de la matière,

bêtise, voilà ce que nous manifestons tous aujourd’hui.

Il faut aujourd’hui être un héros, un yogi, et un amoureux passionné du corps du

Divin pour ne se prêter aucunement à cette corruption.

Mais même si nous ne pouvons être ces héros et ces yogis, nous pouvons au moins

aimer le Divin, Le chercher, L’appeler et Le sentir dans le monde : L’aimer,

L’attendre et Le trouver dans les yeux que nos yeux rencontrent, dans les mains,

les corps et les matériaux et ce que nous appelons les « choses », avoir besoin de

Lui sans réserve ni prétention, partout et en tout et tout le temps, que ce soit dans

le verre que l’on tient, la nourriture que l’on ingère, le tissu que l’on porte, ou

l’asphalte sous nos pieds, le néon qui dévore les façades et le ciel du soir tout bruni