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*30-5-1984, Auroville :
J’ai passé longtemps, la nuit dernière, avec les enfants, autour et à propos de ce
qui s’est passé pour Gandolf, et nous étions dans un lieu magnifique,
extraordinaire, comme creusé dans la terre rouge, mais solidifiée, lissée,
homogénéisée – j’avais déjà vu cette « matière », il y a quelques temps –, au fond
de la forêt… Une très belle atmosphère…
*31-5-1984, Auroville :
Hier soir Krishna m’a maudit, m’accusant de le rendre dépendant de moi
financièrement et de le manipuler…
Et ce matin, quand je suis revenu du Matrimandir après le coulage de béton,
Barbara m’a annoncé qu’il avait refusé de sortir de sa chambre et qu’il n’avait pas
mangé…
Je suis allé à lui et l’ai trouvé tout tendre et comme lavé ; il s’était battu toute la
nuit, dit-il, avec des forces de mort, et il avait compris qu’il s’était laissé prendre au
piège, une fois de plus… Il a vu Shankar, qui lui aussi a cette expérience d’être
attaqué, d’être aux prises avec des forces meurtrières…
Je ne sais pas…
Je ne dis pas que nous n’avons pas à faire avec ce qui résiste et ne veut pas
changer, mais je me sens comme extérieur ou étranger à une sorte de
« fraternité », presque de culture de l’expérience « intérieure »… Je n’y sens pas
assez de vérité…
*1-6-1984, Auroville :
Le récit plus clair et précis de la mort de Gandolf nous parvient petit à petit, à
mesure que la confusion des « adultes » se dissipe : pour lui, cela a été clair,
direct et immédiat, une « belle mort » comme un grand plongeon ailleurs ; mais
c’est le drame, et le mélange émotionnel et moral qui a suivi, qui ont donné
l’impression d’incertitude et de désordre…
*3-6-1984, Auroville:
Shankar est venu nous faire signer la déclaration:
“Mother, we want Your Agenda to be the heart of Auroville…”
*5-6-1984, Auroville:
Barbara et moi sommes allés en autobus à l’aéroport de Madras pour tenter de
récupérer cet argent que Dom y avait laissé. C’était laborieux, et nous sommes
revenus ce soir assez épuisés, et Krishna m’attendait depuis des heures : il avait
enfin reçu une réponse de l’Ambassade du Maroc à Delhi, télégraphiée en réponse à
mon télégramme envoyé il y a deux jours… Ils ne peuvent, ou ne veulent pas
l’aider ; ils ne sont disposés qu’à lui fournir un laissez-passer pour retourner au
Maroc, sans aucune garantie qu’après 22 ans d’absence et aucun Etat-civil
préservé, il puisse en ressortir avec des documents officiels…
Que veux-Tu pour Krishna ?
C’est comme si rien ne venait directement à lui, aucune indication claire…
On s’aime, mais cela ne peut pas suffire… !