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Je sens, que tout a le temps.

Que je serai près de lui avant le midi.

Quand d’être près, ou ici, n’auront plus d’opposé, quand cela naître d’un autre

mouvement, qui nous contiendra et sera notre joie.

Je sens qu’il n’est qu’endormi, mais d’un sommeil sans contraires.

Et qu’en lui bat le sang, partout dans son corps tranquille, sans alerte.

Je sens une confiance.

Et comme il me faut, descendre, lentement, au rythme sûr de cette confiance,

m’approcher de ces énormes vannes, qui retiennent de la vie mon besoin d’aimer.

Je sens, qu’enfin, je vais m’abandonner, laisser cette peine, couler vers lui en lui

avec lui d’un abandon fort et libre et sans peine.

Dans ce silence trouvé, tout s’écarte et se dénoue.

Tout bat.

J’écoute et je sens, d’abord, le vacarme de ma force obstinée.

Ma tête se repose contre l’arbre certain, mes épaules se détendent, mes jambes

allongées côte à côte, à la diagonale de l’ombre arrêtée.

C’est un peu à ma droite qu’il est, à quelques pas dans le soleil, couché, la lame du

glaive bien à plat étincelle et rutile, la constante d’un appel.

Dans le flux, qui bat, et bat, sans hâte, doucement, je me rends.

Parfois, une fois, deux fois, comme un souffle d’air circule à l’orée, un mouvement

de l’air, et quelques herbes plus hautes le sentent, et quelques corolles en

frémissent.

Puis il y a un, deux, trois, et d’autres là-bas, où la clairière s’évase et se tend d’une

autre lisière au même peuple du bois, de petits insectes, des guêpes, qui

bourdonnent et se taisent, bourdonnent et se taisent, en voletant.

Je me sens, lentement, appelé, entraîné, sollicité de toutes parts, comme si tout

venait là, rien ne restait, nulle part.

Tous mes sens lentement se tendent

Vers un unisson

S’assemblent dans la saisie

De l’expérience

Le grain de la terre et du bois contre le grain de ma peau

Le moelleux d’un lichen contre ma jambe

Ou l’irritant de cette écaille à mon épaule et l’humide

A mes lèvres

Et les flux et battements de dedans mon corps

L’âcre et l’acidité de dessous les feuilles et le fumé

Du bois qui se réchauffe, des bouffées de l’herbe tiédie

Qui s’endort au soleil

Et l’astringent d’une fleur et l’odeur de mon corps

Et, sporadique, l’effluve de glands entr’ouverts,

Et les restes de la brume retombée.

Et, dans ma bouche, un goût de poussière et de pierre encore froide,

Et le souvenir du lait et du pain de là-bas et, plus proche, d’une herbe cueillie sur le

chemin.