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Nos subterfuges et nos vertus, nos ouvertures passives, nos lâchetés, nos rejets
opiniâtres,
Notre complaisance, notre crasse et nos refus,
Notre insuffisance à aimer,
Nos combats de coqs, nos ostracismes,
Nos calculs, nos complicités,
Nos raisons, nos indignations, nos révoltes frelatées,
Nos plaintes et nos revendications, notre désordre,
Nos peurs, notre misère, nos démons,
Nos victimes, nos martyrs et nos bouffons, nos opinions, nos images, nos violences,
Toute la foule habituelle de nos hôtes et l’insidieuse omniprésence du conflit, est
revenue peupler la question.
85.
Il y a en nous, comme une brûlure consciente, la marque vivante de Son cri :
« Le temps est venu du gouvernement de l’âme ! ».
Gouverner par le regard paisible et fort de cet être profond en nous, qui croît dans
le silence et la lumière, l’incorruptible, le guerrier, le frère, le libre serviteur du
Sens, le découvreur du chemin.
Gouverner soi-même et sa nature, sans contrainte arbitraire, libres de la nécessité
abrutissante d’avoir à recourir aux formes extérieures de la loi, libres de la prison
dénaturante des rôles.
Une anarchie claire et tranquille à la recherche constante d’une harmonie
progressive, à l’écoute du changement, à la libre découverte de méthodes nouvelles
au service d’un déploiement de vérité…
Et quelque part dans notre conscience à peine éveillée la silhouette imprécise d’une
hiérarchie magique et spontanée, comme un organisme de vérité où chaque être
irait infailliblement à son juste degré, occuperait sans errer la fonction de sa
capacité, où la Force trouverait ses corps justes à leur juste place pour son action
pleine, et chacun aurait, de la station unique et irremplaçable de son état, la
conscience directe de l’Un et la richesse innombrable de l’unité…
86.
Et alors que se tendait en nous l’arc de cet idéal encore impraticable, rêve ou
chimère ou folie, et le besoin de vivre ici sa réalité, de la mettre en mouvement
dans la matière, de la vérifier et de l’éprouver et de s’unir à elle, il nous semblait en
fait nous enfoncer dans l’épaisseur d’un compromis, d’être tirés par la masse d’une
inertie, qui avait aussi notre visage.
Alors, la lucidité ancienne de l’imperturbable Témoin nous calmait doucement, et
nous montrait les données de la tâche, et nous enseignait les rudiments d’un
réalisme ouvert, au service du changement.
Car la participation et l’offrande doivent être intégrales, ou le changement ne nous
concernera pas.
Le gouvernement par les autres n’a jamais été et ne sera jamais qu’un pis-aller,
une violence et un compromis.