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L’instrument est devenu autonome ; il agit loin, là-bas, au sommet ou à quelque

point figé de notre douteux édifice, ou même ici, tout près, à côté de soi, mais de

l’autre côté vraiment d’une paroi d’incommunicabilité.

Et si nous cherchons d’aventure à remédier à ce gigantesque artifice, nous nous

voyons forcés de le faire dans des termes généraux qui sont une absurde

approximation de notre besoin réel, celui de réapprendre à choisir.

97.

Nous nous reprochons mutuellement et sans cesse, soit d’intervenir et d’interférer

dans nos choix individuels, soit de s’abstenir ou d’être inefficaces dans notre

intervention.

Ce n’est pas ainsi que nous trouverons la solution.

Ce n’est pas ainsi que nous pourrons déblayer l’espace de notre communication.

C’est à chaque individu qu’il incombe de rappeler et de réunir en soi-même la

capacité de former ses propres choix et d’en vérifier la qualité comme la vérité par

les conséquences qu’ils ont dans notre vie et surtout dans notre conscience.

Il nous faut à chacun trouver cette foi et ce courage, comme un service que nous

devons nous rendre, et rendre à l’homme.

Comment pourrons-nous autrement décanter la confusion dans laquelle nous

vivons, ou offrir au changement le mélange que nous sommes ?

Car notre infirmité se manifeste en tous points, dans notre rapport à l’autre comme

dans notre rapport au divin, dans notre expérience physique et humaine comme

dans notre expérience spirituelle.

98.

Elle est l’hydre fatidique dont nous couvrons tous les visages sur le chemin.

C’est par la projection de son ombre que nous éloignons ce qui est sublime de ce

qui est ordinaire, que nous neutralisons l’harmonie ré conciliante du vrai, que nous

nions à la vie la possibilité et l’aspiration même de s’offrir et de se transformer.

De notre absolu besoin de l’autre nous faisons un drame perpétuel.

Nous vivons ce besoin comme une dépendance, et non comme l’espace

profondément bon et nécessaire d’une alchimie révélatrice, et la sûre découverte

d’une inépuisable conscience d’être.

Nous nous gardons constamment du choc ineffaçable de tout contact profond et

direct qui dérangerait l’ordre exigu de notre exclusive pauvreté.

Dans cette exclusivité nous enfermons le petit nombre de ceux qui, pour des

raisons similaires, peuvent en accepter les termes, et arbitrairement déplaçons le

reste du monde à distance et « au dehors », posant ainsi les bornes d’une fausse

sécurité qu’il faudra briser encore et encore, et souvent dans la douleur, pour

grandir et progresser.

A ce « divin » généralement hypothétique nous allouons, comme à soi-même et à

l’autre, une place et un rôle.

Et lorsque la réalité de l’expérience devient trop impérieuse et fracasse nos limites,

nous sortons de la vie dans une folie mystique, nous devenons des illuminés de

dieu, de respectables inutiles auxquels une fonction est gardée dans le drame, ou

bien des sages, que leurs disciples consomment et sacrifient.