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Les structures et les institutions sont les signes de notre infirmité. Les seules qui
soient acceptables sont celles qui se perçoivent elles-mêmes, à travers leurs
représentants, comme les instruments d’une protection nécessaire au service du
développement des individus.
87.
Et l’on butte sur un premier écueil.
D’une part, et d’une manière générale, l’humanité dans son mouvement de
rencontre avec elle-même en tous points, a brisé en même temps les limites des
contextes naturels au sein desquels progressaient les individus ; déraciné de son
milieu, exposé à des influences contradictoires, chacun se trouve dépossédé de
cette protection naturelle qui l’aidait à définir ses propres besoins et priorités.
Et d’autre part, selon ses besoins intérieurs d’expérience et de découverte, les
besoins extérieurs de l’individu changent ; il n’existe pas de mesure uniforme dont
l’application extérieure ne soit, ne serait profondément fausse et insatisfaisante,
sinon asservissante et mutilante.
Dans une société libre, libre au moins dans ses fondations comme dans son
orientation, il faut donc laisser à chacun le libre accès aux ressources et aux
moyens de se développer.
Cela implique que deux conditions doivent être remplies : l’une est l’engagement de
l’individu à une honnêteté et une transparence dans la définition de ses propres
besoins ; et l’autre une confiance de la part de tous en la capacité de chacun de
découvrir son propre chemin sans accaparer plus qu’il ne lui est nécessaire, et dans
le respect des besoins d’autrui.
Là se trouvent, dans la transition multiforme à une harmonie plus consciente, les
termes d’un premier contrat social inévitable.
88.
Lorsqu’on se trouve physiquement prisonnier d’une société sclérosée au point
d’exercer une violence active et permanente sur la liberté essentielle de l’individu,
ainsi dans le cas d’une dictature, il semble toujours qu’il n’y ait qu’une alternative à
la lâcheté, la trahison et l’obéissance servile, et c’est la lutte active, le
rassemblement sous une bannière et un emblème de libération qui ait le pouvoir
momentané de dissoudre nos peurs et d’instiller en nous le sens dynamique du
sacrifice, de la dignité, de l’héroïsme ; dans un mouvement de stimulation et de
persuasion mutuelles, nous parvenons au moins à sauver notre intégrité – car pour
l’homme moral, la perte du respect de soi est pire que la mort.
Il arrive que l’on atteigne la victoire, et déloge l’oppresseur.
Et chacune de ces victoires est une victoire de l’humanité sur ses démons
intérieurs.
Il est rare toutefois que l’on ait clairement vu et éprouvé ce qui en nous avait
évoqué, autorisé et suscité la formation et la cristallisation d’une situation si
extrême, il est rare que l’on ait touché les causes et les mécanismes de cette lente
défaite qui avait précédé son règne.
89.
Il était une chose que l’on pouvait d’emblée comprendre aisément, puisque nous
nous trouvions rassemblés là par le libre choix individuel de participer à une