Table of Contents Table of Contents
Previous Page  529 / 1424 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 529 / 1424 Next Page
Page Background

529

Les structures et les institutions sont les signes de notre infirmité. Les seules qui

soient acceptables sont celles qui se perçoivent elles-mêmes, à travers leurs

représentants, comme les instruments d’une protection nécessaire au service du

développement des individus.

87.

Et l’on butte sur un premier écueil.

D’une part, et d’une manière générale, l’humanité dans son mouvement de

rencontre avec elle-même en tous points, a brisé en même temps les limites des

contextes naturels au sein desquels progressaient les individus ; déraciné de son

milieu, exposé à des influences contradictoires, chacun se trouve dépossédé de

cette protection naturelle qui l’aidait à définir ses propres besoins et priorités.

Et d’autre part, selon ses besoins intérieurs d’expérience et de découverte, les

besoins extérieurs de l’individu changent ; il n’existe pas de mesure uniforme dont

l’application extérieure ne soit, ne serait profondément fausse et insatisfaisante,

sinon asservissante et mutilante.

Dans une société libre, libre au moins dans ses fondations comme dans son

orientation, il faut donc laisser à chacun le libre accès aux ressources et aux

moyens de se développer.

Cela implique que deux conditions doivent être remplies : l’une est l’engagement de

l’individu à une honnêteté et une transparence dans la définition de ses propres

besoins ; et l’autre une confiance de la part de tous en la capacité de chacun de

découvrir son propre chemin sans accaparer plus qu’il ne lui est nécessaire, et dans

le respect des besoins d’autrui.

Là se trouvent, dans la transition multiforme à une harmonie plus consciente, les

termes d’un premier contrat social inévitable.

88.

Lorsqu’on se trouve physiquement prisonnier d’une société sclérosée au point

d’exercer une violence active et permanente sur la liberté essentielle de l’individu,

ainsi dans le cas d’une dictature, il semble toujours qu’il n’y ait qu’une alternative à

la lâcheté, la trahison et l’obéissance servile, et c’est la lutte active, le

rassemblement sous une bannière et un emblème de libération qui ait le pouvoir

momentané de dissoudre nos peurs et d’instiller en nous le sens dynamique du

sacrifice, de la dignité, de l’héroïsme ; dans un mouvement de stimulation et de

persuasion mutuelles, nous parvenons au moins à sauver notre intégrité – car pour

l’homme moral, la perte du respect de soi est pire que la mort.

Il arrive que l’on atteigne la victoire, et déloge l’oppresseur.

Et chacune de ces victoires est une victoire de l’humanité sur ses démons

intérieurs.

Il est rare toutefois que l’on ait clairement vu et éprouvé ce qui en nous avait

évoqué, autorisé et suscité la formation et la cristallisation d’une situation si

extrême, il est rare que l’on ait touché les causes et les mécanismes de cette lente

défaite qui avait précédé son règne.

89.

Il était une chose que l’on pouvait d’emblée comprendre aisément, puisque nous

nous trouvions rassemblés là par le libre choix individuel de participer à une