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LE
PAYS
DU COGNAC
marchés. Les comptoirs des négociants étaient également visités par leurs
vendeurs attitrés. Le
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samedi de chaque mois c' était la foire, et quin1.e
jours après le grand marché. Ces jours là, il
y
avait encore plus d 'affiuence
que les samedis ordinaires.
Les foires de toute la région étaient d ' ailleurs régulièren1ent
fréquentées par les négociants ou leurs agents et par les propriétaires ayant
de l'eau-de-vie
à
vendre.
A la Rochelle, il existait une
Bourse de Conunerce
instituée par
J"Etat ,
à
laquelle étaient attachés des
courtiers en 111arclza11dises
ayant
« charges
»
achetées con1me celles des agents de change, jusqu'à la loi qui
rendit, en
r
867, le courtage
1
ibre, et qui an1ena au bout de quelques années la
disparition de ces usages locaux.
On
y
arrêtait et publiait deux fois par se1naine, le n1ercredi et le
samedi , la cote des Eaux-de-vie, d'après les prix des n1archés passés par
l'entremise des courtiers asser1nentés , et les négociants rochelais, très fidèles
à
leurs vieilles traditions bourgeoises et demeurés jusqu' alors très for1nalistes,
ne manquaient pas ces jours-là, en chapeau haut de fonne, redingote noire,
la canne
à
pomn1eau d'or
à
la main, de se rendre
à
la
Bourse
pour voir la cote
et causer affaires entre eux.
Tout cela est entré n1aintenant dans le domaine du passé. Les
grands stocks qui existaient alors
à
la propriété se sont peu
à
peu écoulés et
ont pern1is au comn1erce de traverser la période phylloxérique; les
bouilleurs
de
cru
ont disparu en attendant qu 'avec notre production viticole grandissante
ils reviennent - ce qui ne tardera guère - ; et si les foires sont encore
fréquentées à certaines époques de l'année, c'est après la récolte, au n1on1ent
de l' achat des vins par les agents du commerce.
La distillation est en effet aujourd'hui presque toute entière entre
les 111ains de celui-ci.
Le petit propriétaire ruiné, replantant peu
à
peu quelques
hectares de Yignes, au prix des plus lourds sacrifices, a chaque année besoin
de réaliser imn1édiatement sa récolte pour faire face à ses dépenses e t
rentrer dans ses frais. Le n1oyen ou le gros propriétaire a lui-mên1e des
frais considérables qu ' il est heureux de pouvoir récupérer par une vente
annuelle de son vin: celui-ci est encore trop cher et dans certains rayons la
reconstitution n'est pas suffisan1n1ent avancée pour que le spéculateur, le
propriétaire-bouilleur
puisse songer à re1nplir ses chais, en attendant une
hausse dans les prix lui pern1ettant de faire une opération fructueuse.