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DE NOUVELLES COMPÉTENCES POUR UNE BANQUE QUI S’ÉMANCIPE

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Marketing du futur :

un coup

d’avance sur la concurrence

Dans les années 80,

le secteur bancaire

n’est pas encore à la

pointe du marketing.

Au Crédit Agricole, les

directeurs généraux de

Caisses régionales sont

en quête d’innovations

qui leur permettront

de faire mieux que les

concurrents. L’idée

pour prendre un temps

d’avance: s’inspirer des

entreprises américaines.

Au cours des années 80, la FNCA et l’IFCAM

lancent une vaste consultation pour accéder aux

entreprises de service innovantes et réfléchir à des

évolutions pour le Groupe. Un cahier des charges est

établi à l’intention des meilleurs cabinets de consulting,

dont les propositions sont soumises à un jury com-

posé de cadres de direction en Caisse régionale, de

membres de la FNCA, de la CNCA et de l’IFCAM. La

meilleure proposition sera parfaitement ajustée aux

attentes des Caisses régionales après quelques séances

de co-création entre le cabinet retenu et l’IFCAM.

ALLER À LA SOURCE DE L’INNOVATION

« Le coup de maître, c’est un séminaire appelé

Marketing du futur

proposé par deux hommes très inté-

ressants : Éric Langear et Pierre Eiglier, qui connaissaient

bien les banques aux États-Unis. Ils ont fait un tabac »

, se

souvient Jean Beaujouan, alors en charge du «perfec-

tionnement dirigeants » à l’IFCAM. Ils vont permettre

aux directeurs généraux des Caisses régionales de ren-

contrer les dirigeants, les directeurs du marketing et les

directeurs commerciaux des entreprises américaines les

plus en vue. Éric Langear et Pierre Eiglier s’appuyaient,

pour conduire le séminaire, sur le concept marketing

de la

servuction.

LA SERVUCTION, UNE NOUVELLE FAÇON

DE PENSER LE SERVICE CLIENT

Le néologisme a été inventé par les deux

hommes en combinant les termes service et produc-

tion.

« La servuction c’est la prestation d’un service, alors

que la production concerne la fabrication d’un produit »

,

rappelle Denis Tétu, alors responsable des séminaires

Marketing du futur. Il a intégré le concept de servuc-

tion dans les formations commerciales et marketing à

l’IFCAM.

« Avec les notions de service global et de services

périphériques, Éric Langear et Pierre Eiglier ont réussi à

conceptualiser des idées que l’on pressentait déjà mais qui

restaient éparses, et à mettre des noms sur ces concepts. »

Lorsque tout le monde propose la même offre, l’enjeu

pour l’entreprise est de se distinguer aux yeux du client

en développant des services périphériques qui vont

valoriser l’offre de base. Par exemple, avec une distribu-

tion plus diversifiée, un accueil plus convivial ou une

meilleure disponibilité des vendeurs. En 1984, c’était

tout à fait nouveau.

AUX ÉTATS-UNIS, PUIS EN EUROPE

Pour anticiper l’avenir et si possible acquérir

un coup d’avance, le séminaire emmène plusieurs fois

par an une douzaine de participants dans de grandes

villes américaines. Les visites sont préparées par Éric

Langear et Pierre Eiglier qui disposent d’un prestigieux

carnet d’adresses. Échanger au sommet des tours

jumelles avec les banquiers de Wall Street ou

étudier

les plans marketing de talentueux patrons de

chaînes de magasins populaires ouvrait le champ

des possibles

et

« donnait le goût de la réussite »

.

« C’était

devenu le must : 70% des directeurs généraux ont participé

à ce séminaire,

se souvient-on à l’IFCAM.

C’était si

passionnant que les Caisses régionales ont souhaité que les

directeurs adjoints et les directeurs commerciaux y parti-

cipent. »

Le séminaire s’est élargi et les équipes de cadres

de direction se sont elles aussi frottées à la culture de

l’innovation et du changement, cette fois auprès des

entreprises les plus en avance en Europe.

DES VISITES DEVENUES EMBLÉMATIQUES

Face à certaines pratiques, les directeurs géné-

raux s’étonnent franchement. Par exemple lorsque les

clients américains d’une grande agence de Chicago s’ar-

rêtent avant le guichet, juste derrière un large trait mar-

qué au sol. Il semblait impossible que l’on puisse un jour

imposer à un client français de patienter sagement en

ligne... Plus sérieusement,

la polyvalence du person-

nel des agences bancaires américaines a suscité

bien des questions avant l’adhésion.

Il n’était pas

rare d’entendre pendant les visites

« Comment ça ? Ce

guichetier est multi-produit ? Mais il est impossible qu’un

seul gars soit capable de parler de tout ! À chacun son

métier ! »

Tandis que les participants mesuraient dans le

même temps tout l’intérêt de la polyvalence, tant pour

l’organisation de l’entreprise que pour le salarié dont le

métier devenait soudain bien plus intéressant.

Aux

États-Unis, le guichetier était capable de vendre

une carte bancaire et de conseiller un placement...

En France, à la même époque, le client devait prendre

deux rendez-vous et lorsqu’il s’agissait de crédit, fonc-

tion la plus noble, seuls le chef d’agence et son adjoint

étaient habilités à en proposer.

«Adapter le service au

client que j’ai en face de moi, c’est aussi cela la servuction, et

cela a naturellement eu un retentissement formidable sur la

stratégie des Caisses régionales »,

rappelle Denis Tétu.

«Adapter le service au client

que j’ai en face de moi, c’est

aussi cela la servuction»

GAGNER CINQ ANS

SUR LA CONCURRENCE

« La servuction, il faut que tout le monde s’y

mette. »

Les enseignements du séminaire sont si forts

que les directeurs généraux demandent à ce que les

concepts de la servuction soient enseignés à tous

les niveaux, jusqu’aux chefs d’agence. C’est ainsi que

les séminaires s’enchaîneront durant près de sept ans.

Marketing du futur a bel et bien permis de gagner cinq

ans sur la concurrence. Et si personne ne peut le prou-

ver scientifiquement, nul doute qu’il a favorisé la diffu-

sion d’une formidable culture de la relation client et de

la distribution des services.

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