Liver Bergerac Terre de passions

Bergerac

Terre de passions

Uni-éditions

Terre de passions Bergerac

Uni-éditions

Philippe Boujut, Président, et Laurent Martin, Directeur général du Crédit Agricole Charente-Périgord.

«

Bergerac! Ce nom évoque l’histoire, la littérature, le feuve, le commerce et le vin… Ce livre est un voyage au cœur de ce vignoble et de ses appellations, Bergerac, Monbazillac, Montravel, Pécharmant, Saussignac et Rosette… Il parle des hommes et des femmes dont l’amour du vin est le métier, celui de la terre, des vignes qui dévalent les coteaux, des plaisirs sucrés au cœur de l’été, mais aussi des peurs et des joies de la couleur du ciel… Il parle de leur histoire, de leur vie et de leurs passions, comme des rangs de vignes sur le chemin de la vie…

»

Sommaire

10

Sylvie Alem

12

Alliance Aquitaine

14

Domaine de l’Ancienne Cure

16

Château Barouillet

18

Château Bélingard

20 Château Beylat 22

Domaine du Bois de Pourquié

24 Château La Borderie 26 Château Les Brandeaux 28 Château La Brie 30 Château Caillavel 32 Château Cluzeau 34 Domaine de la Combe 36 Famille Consoli 38 Domaine Coquelicot 40 Domaine des Costes 42 Couleurs d’Aquitaine 44 Château Court Les Mûts 46 Domaine de Coutancie 48 Juliette David 50 Vins de Domme 52 Vignobles Dubard 54 Famille Escurpeyrat 56 Château Le Fagé 58 60 Vignobles Favretto 62 Fédération des vins de Bergerac et Duras

Château Les Farcies du Pech

64 Château La Foncalpre 66 Château Les Fontenelles Thierry Fourcaud 70 Domaine du Grand Marsalet 68 74 Château Les Grimard 76 Château Haut Lamouthe Domaine du Haut Montlong 80 Domaine du Haut Pécharmant 78 88 Julien de Savignac 90 Château Les Justices Château Kalian 94 Château Ladesvignes 96 Éric Lajaunie Vignoble Lajonie 100 Famille Lenaour 102 Château Malfourat 104 Château de la Mallevieille 106 Château Marie Plaisance 92 98 110 Château Monestier La Tour 112 Château Moulin Caresse 114 Les Moulins de Boisse 116 Château Le Payral 118 Domaine de Pécoula 120 Château du Péroudier 122 Domaine de Perreau 124 Domaine du Petit Paradis 72 Domaine de Grange Neuve 82 Château Les Hauts de Caillevel 84 Interprofession des vins de Bergerac et de Duras 86 Château La Jaubertie 108 Cave coopérative de Monbazillac

126 Château La Plante

Union de viticulteurs de Port-Sainte-Foy

128

130 Château Poulvère 132 Château Puy Servain-Calabre 134 Château Le Rauly 136 Château Le Raz 138 Château La Renaudie 140 Château Richard 142 Château La Robertie 144 Château du Rooy 146 Château Roque-Peyre 148 Cave coopérative de Sigoulès 150 Château Singleyrac 152 Domaine du Siorac 154 Domaine des Templiers 156 Château Terre Vieille 158 Château Tirecul La Gravière 160 Château Tiregand 162 Château Tour des Gendres 164 Château La Trufère-Beauportail 166 Unidor 168 Univitis 170 Clos Les Verdots 172 Château La Vieille Bergerie

174 Château des Vigiers 176 Domaine du Vigneaud 181 Bio-Inox 182 Pépinières Leix

Vignobles et pépinières Pointet Chaudronnerie Teulet Monbazillac

183

184

185 Gerrita Thiart-Martin 190 Index

6 7

Portraits de vignerons Une aventure collective

Q ui peut mieux parler de la viti­ culture que ceux qui s’eforcent d’en tirer le meilleur ? Il suft de se balader pour voir que le vignoble a façonné les pay­ sages : parcelles striées qui famboient à l’automne, se couvrent de givre l’hiver et de grappes l’été, petit patrimoine, domaines, châteaux, chais. Le vignoble de Bergerac naît avec l’avènement de la civilisation galloromaine. Son histoire est intimement liée à celle de son territoire, meurtri par les guerres, renaissant de ses cendres. À chaque témoignage recueilli dans ce livre de portraits, nous avons eu conscience du travail de mémoire qui se jouait. Les viticulteurs que nous avons rencontrés ont souvent évoqué un passé familial en lien avec l’histoire avec un grand H. Ils sont héritiers de leurs pères ou de leurs pairs. Nombreux sont ces nouveaux arrivants qui ont trouvé dans ces terres fertiles où prendre racine et relier leur destinée professionnelle à celles des vignerons individuels et coopérateurs, mais aussi négociants, œnologues, pépiniéristes, qui font la viticulture bergeracoise. Une aventure collective donc. Elle prendra un tournant décisif lors de la création des appellations d’origine contrôlée en 1936. Depuis, chaque vigneron ou organisme qui reven­ dique une des treize appellations d’origine contrôlée du Bergeracois devient le dépositaire d’un travail de groupe. La flière a fait le pari de garantir ellemême la qualité des vins qu’elle met sur le marché. Elle s’employait ainsi à préserver ses surfaces viticoles,

les 11 500 hectares de l’aire d’appellation pour 500 000 hectolitres de production annuelle. Les vins de Bergerac subissent des infuences et se réinventent, mais n’en restent pas moins façonnés par un climat à la fois océanique et continental, ses hivers courts, ses étés plutôt chauds. Les brumes automnales conviennent à l’élaboration de la pourriture noble qui fait les grands monbazillac. De ce terroir — en fait une mosaïque où l’argile et le calcaire dominent — naissent aussi bien les liquoreux de Saussignac, des vins blancs secs et des moelleux de grande qualité, comme ce Rosette, la plus petite appellation de ber­ gerac. Toute la palette des rouges et des rosés s’y produit, du puissant pécharmant au charmeur montra­ vel. Sans oublier les bergerac et côtesdebergerac à la robe rubis ou or pâle, des rosés de tempérament et les vins de Domme réapparus grâce à ceux qui ont refusé que ce petit vignoble hors de l’aire d’appellation soit rayé de la carte du Périgord. Les vignerons sont les artistes attitrés d’un terroir géné­ reux, ils s’emploient à travailler cette matière noble dont la nature les gratife. Pour rendre un hommage à ce riche terroir du Bergeracois dont proftent tous ceux qui aiment le bon vin avec la modération qui convient, l’idéal était encore de présenter les femmes et les hommes qui en exploitent les richesses par tous les temps. C’est ce que nous avons fait autravers de cet ouvrage. Puissetil vous donner envie de déboucher une ou deux bonnes bouteilles de vin de Bergerac… PS: Bien entendu, nous ne pouvons prétendre à l’exhaustivité dans cette «galerie de portraits», et bon nombre d’acteurs importants de la région viticole mériteraient tout autant de fgurer dans ces pages.

Jean Ricateau, Jean-Luc Joly, Antoine Mornaud, Nelly Fray, Thierry Fourcaud et Cyril Dulawa

L’an 281 marque la naissance du vignoble de Bergerac. Des vins ensuite appréciés par les Gaulois, les Romains, les rois

de France et d’Angleterre.

AU FIL DES SIÈCLES

Depuis le xi e siècle, la ville de Bergerac prospère sur les rives de la Dordogne. Hôtels particuliers, arcades et fenêtres à meneaux tout droit sorties de l’époque Renaissance, côtoient des maisons à pans de bois ou à colombages qui ont résisté au temps. Certaines façades taillées dans la pierre blonde rappellent la robe du monbazillac…

«

Vivre de sonmétier, cela ne peut passer que par la qualité. »

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Alem Sylvie

Au nom du monbazillac

Comptable de formation, Sylvie Alem est aujourd’hui présidente de la Cave coopérative de Monbazillac et

Elle a pris la présidence de la Cave coopérative parce qu’elle avait des choses à dire — « J’ai des idées sur tout et je me défends » —, mais aussi beaucoup d’envie de promouvoir ce monbazillac qu’elle aime tant. « Je suis toujours représentante du monbazillac, où que j’aille. Avant, personne n’en achetait. Il a fallu redorer le blason et on est toujours en train de le faire. » En 2009, elle prend donc une place pour laquelle personne ne se bouscule. Elle dit tout à la fois : « Je ne me considère pas comme une locomotive, mais comme personne ne veut aller devant, il faut bien que quelqu’un y aille. » Et d’ajouter : « Rester dans l’ombre : ce n’est pas dans ma façon d’être. Je crois que quand on fait quelque chose, on le fait à fond. » ÉPAULÉE PAR SON FRÈRE AÎNÉ Fille d’agriculteurs, Sylvie ne se destinait pas à reprendre l’exploitation. Ni ses frères. Elle fait des études de comptabilité, est salariée chez un conces- sionnaire automobile à Bergerac puis à Bordeaux. En 1998, elle se lasse de voir sa mère au travail. «Mes parents n’avaient pas de repreneur et je voulais qu’elle arrête, elle était usée. » Son frère aîné, bon prince, reste solidaire. Il m’a dit : « Si tu t’installes, je viendrai t’aider pendant tes vendanges. » Sous l’œil amusé des voisins, curieux de voir ce que la « petite d’à côté » allait faire, elle prend du galon, rejointe en 2007 par son mari, Didier, lui aussi comptable de métier. Plus de quinze ans après, son sourire chaleureux et sa bonne humeur lui servent à fédérer, autant chez les coopérateurs que du côté des vignerons indépendants. Et toujours cette éternelle et rassurante simplicité…

responsable de 26 ha de vignes sur Roufgnac-de-Sigoulès. Elle aime jongler entre ses mandats et sa vie de famille. E lle reçoit au lieu-dit Le Four, sous le préau de la cour où joue un chien fou. C’est la ferme familiale, là où elle a grandi au milieu des vaches, cochons, poules et autres canards, « laissés là pour ralentir les voitures » qui passaient trop vite au goût de sa mère, sur la route traversant les bâti- ments de part en part.

Le décor est simple, la table un peu en désordre, l’ambiance détendue. C’est toujours comme cela avec Sylvie Alem. Viticultrice, présidente de la « grande » Cave coopérative de Monbazillac, responsable de l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation, elle n’en est pas moins accessible, hermétique à la grosse tête qu’engendrent souvent les postes à res- ponsabilité. « On aime ce qui est simple. Et moi j’aime les bons repas, manger ; je suis gastronome, épicu- rienne. » Et comme pour illustrer ses propos, elle part chercher un foie gras entamé, quelques bouts de pain et un fond de monbazillac qu’elle partage toujours volontiers.

Sylvie Alem, Présidente de la Cave coopérative de Monbazillac

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Aquitaine Alliance

Un pour tous, tous pour un

Nous avons construit une véritable force commerciale, édifée sur une mosaïque de terroirs. » «

Les raisins de 350 ha de vignes en appellation Bordeaux sont vinifés au Fleix par dérogation. Désormais, les trois sites de production d’Alliance Aquitaine sont spécialisés. Les appellations Monbazillac et Pécharmant sont vinifées à Bergerac. Le site de Saint-Vivien est dédié aux blancs et aux rosés, et les bergeracs rouges sont produits au Fleix, « le vaisseau amiral de la coopérative ». L’ADHÉRENT AVANT TOUT Cette fusion réussie n’a pas été simple à mettre en œuvre. «Je sais que je dirige quatre coopératives en une, chacune avec son histoire, en lien étroit avec les hommes qui y ont participé» , précise Dominique Samin, le directeur. La cave fait évoluer ses missions lorsqu’ils démarrent leur activité ou qu’ils s’agrandissent, ou encore qu’ils souhaitent transmettre leur exploitation. La cave a ainsi créé une SCEA et recruté un chef de culture pour acquérir et exploiter deux vignobles de 30 ha chacun, l’un en Pécharmant, l’autre en AOC Bergerac. Objectif: préserver un nombre sufsant d’hectolitres pour optimiser l’ensemble des charges de vinifcation de la structure. La cave propose aussi diférentes formules facilitant l’installation de nouveaux vignerons ou leur agrandissement: fermage, portage de foncier, contrat clés en main pour les viticulteurs indépendants voulant apporter aumoins 80 % de leur vendange à la coopérative. Pour le président Hervé Roullet: «Une cave forte doit pouvoir répondre à ses adhérents, ils sont notre priorité absolue.»

La plus grande coopérative viticole de Dordogne est

A lliance Aquitaine est le fruit d’une succession de fusions entre caves coopé- ratives. D’abord l’union de celle de Bergerac et de celle du Fleix. Puis des caves de Carsac et de Saint-Vivien qui fondent les Vignerons de Montaigne-et-Gurson. Une dynamique se met en route, elle aboutira à la création d’Alliance Aquitaine. La coopérative compte désormais trois sites de production et quatre magasins de vente sur les sites historiques. Selon son président, Hervé Roullet, Alliance Aquitaine est ainsi devenue « la plus grosse entité coopérative de la Dordogne, forte de 140 adhérents pour 1 350 hectares, avec un chifre d’afaires de 10 millions d’euros. Nous avons construit une véritable force commerciale, édifée sur une mosaïque de terroirs. » Alliance Aquitaine vinife toutes les couleurs de l’AOC Bergerac : du montravel, du monbazillac, du pécharmant, et même du bordeaux. née de la fusion des caves de Bergerac, du Fleix, de Carsac et de Saint-Vivien. Ses adhérents sont sa priorité absolue.

Dominique Samin et Hervé Roullet

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l’Ancienne Cure Domaine de

À la recherche de l’équilibre parfait

C ette propriété de Colom- bier est entre les mains de la famille Roche depuis cinq générations. Au début, les vignes, les céréales et les vaches lai- tières contribuent à faire vivre les époux Roche. En 1935, le grand-père de Christian fonde avec quelques vignerons la Cave coopérative de Monbazillac. Ses parents, Hélène et Gaston, vont acheter l’ancien presbytère — en ruine — de Colombier en 1946. Une première mise en bouteille a lieu dans l’ancien presbytère qu’ils nomment Domaine de l’Ancienne Cure en 1968. Hélène Roche va vendre elle-même ses bouteilles. Sur le bord de la route, elle dispose ce simple panneau : « Stop, ici vente directe de Monbazillac ». Les ventes démarrent. En 1984, Christian Roche s’installe comme vigneron indépen- dant sur la propriété familiale. « J’avais 24 ans lors de Christian Roche est propriétaire du Domaine de l’Ancienne Cure à Colombier. En viticulture bio depuis 2009 — un modus vivendi pour le vigneron.

ma première récolte. Je me posais pas mal de questions. Avec mes copains Luc de Conti et Jacques Blais, on se rencontrait, on voulait essayer des trucs. Jacques a initié le tri sélectif », se souvient-il. BIO CONVAINCU Le souci constant d’élaborer les meilleurs vins, et le constat que les pratiques culturales conventionnelles appauvrissaient le sol et la qualité, aboutissent en 2009 à la conduite du vignoble — 47 ha sur les appellations Monbazillac, Bergerac et Pécharmant — en agriculture biologique. « Pour moi, le bio s’im- posait. Lorsque nous avons pris la décision, j’avais déjà évoqué ce choix exigeant. Mes salariés m’ont toujours suivi. » Christian sait parfaitement ce qu’il veut : « Un vin de qualité. J’ai besoin de maîtriser, je pense qu’il faut la bonne couleur, le bon cépage, au bon endroit. Des amis m’ont fait découvrir l’ondenc, un cépage gaillacois, et le chenin. Les premières récoltes ont eu lieu l’an passé. Encore un peu de patience pour découvrir ce qu’elles donnent. »

Christian Roche, vigneron à Colombier

«

Exprimer le terroir à travers les raisins, et obtenir les vins les plus authentiques. »

17 16

Barouillet Château

Pour un vin sans fard

Lorsque je vois les papillons revenir dans les vignes, cela me fait du bien. » «

Comme ses parents et ses grands-parents, Vincent Alexis est vigneron. À la recherche du vin achevé, il s’inspire du passé.

dans le sud de la France, en Angleterre et au Canada l’a conduit sur des pistes innovantes : « J’ai une approche diférente du terroir. J’ai rencontré des gens avec une réfexion avancée par rapport à nous, je m’en inspire. J’ai besoin de travailler une terre sans perfusions chimiques. Je veux faire un vin sans maquillage, un vin qui a un goût de raisins. » TROUVER L’ÉQUILIBRE DU VIN Le vin est d’abord vendu en vrac. C’est le grand-père de Vincent, Yves Alexis, qui décide de le vendre en bouteille: «Il a fait fabriquer des caisses en bois pouvant transporter 10 bouteilles, les fameux litres étoilés. À Bergerac, il déposait les pleines et revenait avec les vides. C’est ainsi que nous avons découvert qu’à cette époque, le château Barouillet se nommait Clos Le Barouillet», note Alexis en montrant les anciennes caisses en bois. Avec sa compagne Margaux de Conti, Vincent partage le goût du vin qui « grandit » dans un environnement biologique : « L’herbe pousse entre les vignes, cela res- titue des éléments minéraux. Le sol est aéré, structuré. Mon père voulait que les vignes soient “propres”, bien tondues, c’était sa hantise, comme pour beaucoup de viticulteurs de sa génération. Moi, lorsque je vois les papillons revenir dans les vignes, cela me fait du bien. Je me dis que la nature n’est décidément pas rancunière…»

A tout juste 30 ans, Vincent Alexis possède un rapport fort à la terre qui le conduit tôt le matin dans ses arpents de vignes, jusque tard le soir. Les Vignobles Alexis produisent depuis huit générations des ber- geracs blanc sec, rouge et rosé, du monbazillac, des côtes-de-bergerac et du pécharmant. Situé à Pomport au beau milieu de l’aire d’appellation Monbazillac, au sud de Bergerac, le domaine s’étend sur 45 ha. Après une formation—un BTS commerce du vin —, Vincent Alexis a passé une licence commerce du vin à Montpellier. En contact avec des viticulteurs qui travaillent « en bio » , il découvre des vins qu’il ne connaissait pas, mais aussi des techniques, et l’art de la dégustation. Des rencontres déterminantes pour le jeune étudiant… L’air faussement calme, Vincent évoque ses projets avec énergie. L’expérience acquise

Vincent Alexis et Margaux de Conti

«

Je suis à la recherche de fnesse et d’élégance pour mes vins.

»

19 18

Bélingard Château

Bâtisseur d’histoire

Le père aimerait une transmission. Laurent de Bosredon a 28 ans. Avec son épouse, il arrive à Bergerac : « Je me suis inscrit à Bordeaux à l’Institut d’œnologie. Je ne connaissais rien au vin. » Le vignoble du domaine se compose de 90 ha, 35 plantés en rouge et 55 en blanc. Avec son épouse et le maître de chai, il bouleverse le fonctionnement et la production du domaine en innovant. « Je suis à la recherche de fnesse et d’élégance pour mes vins. » L’AVENIR DU BERGERAC Le succès de vins de Bergerac assuré, Laurent de Bosredon apportera son expérience à la région en prenant des responsabilités professionnelles : « Je pensais qu’on devait avoir une politique conjointe avec nos collègues de Gironde. Refus complet des Bordelais. Je m’y suis épuisé. Aujourd’hui je pense qu’il faut qu’on écrive une nouvelle histoire de Bergerac. Nous nous sommes rapprochés de Duras, c’est très bien. Il faut qu’on se fasse connaître. Le vin de Bergerac le mérite. »

Au cœur du vignoble de Monbazillac, le domaine de Bélingard laisse deviner ses belles proportions. Ce sont les moines qui y ont planté la vigne il y a 1200 ans. Laurent de Bosredon en est l’heureux propriétaire.

A u début du xix e siècle, mon arrière-arrière-grand-père qui vivait à la Martinique a acheté cette propriété ici à Bélingard. C’était en 1820. Plus tard, son fls Hyppolite revient de la Martinique. Il exploite les vignes de Bélingard et fait construire la maison que j’habite aujourd’hui » , déroule Laurent de Bosredon. Son fls est médecin, il meurt sans enfant, c’est sa nièce qui en hérite. «À l’époque, celle qui va devenir ma grand-mère ne peut s’acquitter seule de la gestion de la propriété. C’est un jeune homme de Marie-Galante, Paul de Bosredon, qui est choisi pour l’épouser. Il lui fait huit enfants. Pierre, mon père, sera le bâtisseur, raconte Laurent de Bosredon. À la fn des années 60, mon père a 60 ans, il prend sa retraite et s’occupe des vignes. Moi, je suis étudiant, je suis inscrit à Sciences Po et je veux devenir préfet de la République, il est hors de question que je m’occupe de cette propriété ! » «

Laurent de Bosredon, vigneron à Pomport

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Beylat Château

Une quête d’authenticité

Philippe Beylat représente la quatrième génération d’exploitants sur les vignobles de Larroque, à Thénac. Malgré cette expérience de près d’un siècle, il estime qu’à chaque nouvelle vendange, il continue d’apprendre son métier.

Faire du bon vin, c’est d’abord produire du bon raisin. «Mais ça, même si on s’en occupe, c’est la vigne qui fait le travail. » Philippe s’investit plus particulièrement dans l’élaboration du vin. « Bien sûr, il y a les pratiques des anciens, mais ce n’est pas suffisant. » Il y a aussi les conseils avisés de l’œno- logue. Mais ce sont surtout ces moments où Philippe Beylat sort les échantillons du chai, 7 à 8 bouteilles provenant de chaque cuve. « Un moment clé pour mon épouse et moi, afin de tester les assemblages et d’élaborer le meilleur. » UN SIMPLE GOÛT DE RAISIN Stella-Maris, sa femme, a traversé l’Atlantique depuis son Argentine natale pour découvrir le métier de la vigne. Elle accompagne Philippe dans la conduite de l’exploitation viticole. Philippe Beylat aime éla- borer des « vins souples et se buvant jeunes » . Sa femme ajoute : « J’aime bien quand le vin a simplement un goût de vin, de raisin. »

B ien qu’ils fussent Périgourdins, c’est en 1916 que les arrière- grands-parents de Philippe Beylat achètent une petite exploitation agricole au lieu-dit Larroque, à Thénac. À l’époque, comme souvent, on pratique une agriculture fami- liale avec quelques vaches, des céréales, et bien sûr de la vigne. Cette année-là, les registres retiennent que la récolte a permis de faire… 30 litres de vin ! Heureusement pour leurs descendants, le contexte est tout autre avec un domaine viticole de 24 ha où il n’y a plus ni céréales ni animaux. «Moi, ce que j’aime, c’est faire du vin » , reconnaît Philippe Beylat, installé dès ses 18 ans, il y a quelque trois décennies. « Ce que j’aime particulièrement dans mon métier, c’est de ne jamais faire la même chose, j’ai l’impression d’être en permanence dans l’appren- tissage. La vigne, cela change en permanence. » Philippe Beylat s’amuse de ce paradoxe, lui qui connaît parfaitement son métier de vigneron.

Stella-Maris et Philippe Beylat

«

C’est tellement satisfaisant de se dire qu’on a de belles vignes,

que le travail a été bien fait et, qu’au bout, il y a un bon vin dont on peut être fer. »

23 22

Bois de Pourquié Domaine du

Des vins de bons vivants

En 1852 le premier Mayet se porte acquéreur du Domaine du Bois de Pourquié, à Conne-de-Labarde. Depuis les générations se sont succédé jusqu’à Alain et Marlène, son épouse.

«

N ous, le dimanche, on se sépare » , plaisante Alain Mayet. Car le viticulteur et son épouse travaillent ensemble toute la semaine. Du coup, le septième jour, chacun mène ses activités de son côté : madame part chasser le sanglier et monsieur lève la bécasse. Le soir, au moment du dîner, ils se racontent leurs histoires de chasse. La boutade ne vaut que pour une partie de la saison : «Ah ! Il est vrai que quand passent les palombes, on se retrouve tous les deux à la palombière » , concède Marlène Payet. La semaine, c’est au cœur d’un magnifque terroir, une propriété de 25 ha en pleine restructuration, qu’on retrouve le couple. On cultive les huit cépages les plus représentatifs de l’appellation sur le domaine. Dans la salle de dégustation où Marlène et Alain reçoivent leurs clients, des coupures de presse, et une bouteille bien particulière qui révèle encore une autre passion : le rugby. « J’ai joué longtemps troisième ligne

Défendre les bergeracs, parce qu’ils sont bons et parce qu’ils correspondent

«

aile et j’ai aussi été entraîneur du XV de la Grappe» — un club qui regroupe des viticulteurs amateurs et joueurs de rugby. Cette bouteille qui retient l’attention des visiteurs, c’est celle où pose Romain Teulet, ancien arrière et demi-d’ouverture de Castres, club avec lequel il a été champion de France. C’est pour fêter ce titre, le fameux Bouclier de Brennus, que les Mayet ont concocté cette cuvée spéciale. Parce que l’amitié, qu’il cultive avec la famille Teulet, c’est précieux. LE PARTAGE ET LA CONVIVIALITÉ De toutes ces passions, c’est une manière d’être vivants, bons vivants, et de vouloir partager convivialité et bonne chère autour d’une bonne bouteille qui est le fl conducteur. Et les Mayet, depuis des années, font des vins qui respectent cette ligne de conduite.

à un art de vivre.

»

Marlène et Alain Mayet

24 25

La Borderie Château

Le monbazillac, une afaire de femmes

C’est un domaine historique qui remonte au xiv e siècle, comme en atteste le journal de la propriété retrouvé sur les lieux. Attenant à la maison de maître en pierre, un chai cache un trésor : 22 foudres de chêne, construits sur place, peuvent contenir 6 000 litres chacun. « Le Château La Borderie fut l’un des dix-sept crus “marque hollandaise”, explique la propriétaire, car ses vins faisaient partie des biens emportés par les Protestants lorsqu’ils ont dû fuir en Hollande. » Se retrouver à la tête d’une telle propriété a de quoi impressionner. Une autre étape importante pour le château: Élisabeth croise Gérard Cigana qui deviendra son mari et son mentor en viticulture, lui-même à la tête d’un domaine, à Sainte-Croix-du-Mont en Gironde. Le couple va gérer son patrimoine chacun de son côté, mais il n’est pas un jour sans qu’Élisabeth n’appelle Gérard pour un conseil. VERS UNE SIXIÈME GÉNÉRATION? Aidées par leur équipe et l’œnologue Juliette David, mère et flle s’emploient à produire d’excellents liquoreux et de beaux vins de Bergerac pour répondre à une clientèle qui leur est fdèle depuis parfois un demi-siècle pour certains. Et si Élisabeth se prend à rêver d’autres horizons professionnels, elle ne quittera pas le domaine sans s’être assurée de son avenir. Son fls Adrien pourrait revenir sur le vignoble familial : peut-être bientôt une sixième génération de viticul- teurs au Château La Borderie…

Le château de La Borderie, à Monbazillac, existe depuis le xiv e siècle. À la tête de ce patrimoine d’exception, Élisabeth Vidal et sa mère Claude perpétuent la tradition.

L ’histoire du Château La Borderie est très ancienne, mais celle d’Élisabeth Vidal et du domaine commence au tout début des années 1990. Alors qu’elle travaille dans l’immobilier, son père lui demande de le seconder sur le vignoble familial à Monbazillac. «Je suis arrivée ici en recu- lant», se rappelle Élisabeth. Mais on ne dit pas non à Armand Vidal qui a présidé plu- sieurs instances viticoles, du syndicat d’appellation Monbazillac à l’Interprofession viticole. Élisabeth apprend vite et se passionne. «J’ai été entraînée par la volonté que cela marche, le millésime, les résultats éco- nomiques de l’exploitation.» Petit à petit, son père, malade, abandonne la partie. Élisabeth doit gérer le domaine avec Claude, sa mère. L’équipe de trois salariés et les recours à l’extérieur permettent à ce domaine de 50 ha et au Château La Borderie d’assurer son avenir.

Claude et Élisabeth Vidal

«

J’ai été entraînée par la volonté que cela marche qualitativement pour mes vins et économiquement pour l’exploitation. »

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Les Brandeaux Château

De l’Italie aux vins de Bergerac

Fils d’émigrés italiens arrivés en Périgord dans les années 20, Jean-Louis Piazzetta partage avec ses enfants le goût du travail bien fait, à la vigne comme au chai. Pour le plus grand bonheur de leurs clients.

appellation Bergerac et Duras. Et loin de tout, en fait. « L’exploitation est d’un seul tenant, à la fois sur la Dordogne et le Lot-et-Garonne. Le rapprochement des deux vignobles, qui ont réuni leurs interprofessions et leurs fédérations des vins, va nous simplifer les démarches » , souligne Jean-Marc. DES CLIENTS LIVRÉS À DOMICILE Si Jean-Marc est à la vigne et au chai, son frère s’occupe plus particulièrement de la partie commerciale. Dès son arrivée sur la propriété, il développe la vente auprès de la grande distribution, tout en gardant la clientèle de particuliers constituée par ses parents, des clients fdèles. « Si le client est séduit, on le voit tout de suite à ses yeux qui s’éclairent » , disent-ils. Et la famille Piazzetta n’hésite pas à parcourir la France pour rencontrer et satisfaire de nombreux clients. Ainsi une population d’amateurs des vins du château des Brandeaux s’est-elle créée en Bretagne, et cela dure depuis 35 ans. Plusieurs fois par an, Jean-Louis livre les vins du domaine dans des endroits surpre- nants, comme cette maison de retraite pour prêtres du côté de Vannes. La famille sait également innover, pour produire des rosés clairs à dominance malbec, ou des moelleux « plus dans le fruit » grâce au sauvignon gris. Les clients aiment et en redemandent.

L eur nom chante l’Italie. Les Piazzetta sont en France depuis les années 20. Comme beaucoup d’Italiens, ils sont venus pour travailler la terre, la Première Guerre mon- diale ayant privé l’agriculture française de ses paysans. «Mon grand-père émigre en 1924 avec toute sa famille. Ma mère, sa flle aînée, achète la ferme de Puyguilhem- Ténac avec son premier mari. S’étant retrouvée veuve, elle épouse mon père et ils ont trois enfants. C’est moi qui reprends l’exploitation en 1969 », résume Jean-Louis Piazzetta. Mais, plus que le passé, c’est le présent de l’exploitation qu’il partage avec ses deux fls, Jean-Marc et Tierry, qui l’intéresse. Jean-Marc s’installe le premier en 1994. Tierry le rejoint en 2003, après un emploi de commercial, pour remplacer son père partant à la retraite. Resté dans la société, Jean-Louis laisse à ses fls toute liberté pour élaborer leurs vins. Et leurs vins, ils les souhaitent conviviaux et agréables à boire. Comme leur père, ils sont attentifs aux retours et aux commentaires de leurs clients, souvent positifs. Les 30 ha de vignes du château des Brandeaux ont la particularité d’être en

Jean-Louis Piazzetta, entouré de ses fls Jean-Marc et Thierry

«

Si le client est séduit, on le voit tout de suite à ses yeux.

»

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La Brie Château

Retour aux sources

En bio, vous vous rapprochez de vos vignes, car vous y êtes plus souvent. » «

Être chef de culture et maître de chai au Château La Brie, ce n’est pas ofcier dans n’importe quel domaine viticole. Thomas Caillaud l’expérimente depuis dix ans.

J uxtaposons deux images et un même cadre de la vie de Tomas Caillaud. Première image : Bergeracois d’origine, il est élève au lycée agricole de la Brie. Seconde image, en 2005 : Tomas entre dans la vie profes- sionnelle et devient le chef de culture et maître de chai du domaine viticole du château de la Brie. Entre ces moments, des études d’œnologie et des expériences extérieures à la région en Bordelais, en Bourgogne… «C’était un premier poste, je ne pensais pas rester si longtemps. » Une décennie plus tard, il avoue à demi- mot que l’aspect administratif de ses fonctions n’a pas sa préférence. La gestion de planning doit être calée avec rigueur et organisation, au regard du calendrier des travaux et des formations et stages : « L’interface entre le vignoble et le lycée c’est moi », précise Tomas. Discret et passionné, Tomas Caillaud travaille sur la production de cette « propriété école » de 40 ha dont il a la responsabilité. «Un œnologue n’est pas là pour faire le vin qu’il aime, mais celui qu’on lui demande. J’écoute le besoin des commerciaux et des clients, il y a

bien sûr une adhésion de ma part à ce que je crée. » Sur ces dix années, Tomas afche ses satisfactions : un vignoble en très bon état, une modernité apportée par l’informatisation et la traçabilité, des procédures qualité et des procédures environnementales (Château La Brie est passé en Haute Valeur Environnementale et en bio sur 12 ha). Les objectifs pédagogiques du lycée sont par ailleurs régulièrement atteints, comme l’attestent les récompenses ou citations obtenues par ses vins. À LA VIGNE ET À LA CUVE « Mon travail va de la vigne à la mise en bouteille, intellectuellement c’est intéressant. » Pendant la vini- fcation, il donne priorité à sa présence près des cuves et doit se souvenir des parcelles, il aime réféchir et laisser « mûrir un assemblage ». Il interroge volontiers son entourage, « pour avoir des avis candides ». Maintenant c’est lui qui donne les notes…

Thomas Caillaud, maître de chai

«

J’ai trouvé en Bergeracois des personnes exigeantes et passionnantes. »

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Caillavel Château

Un patrimoine familial et historique

La guerre de Cent Ans aurait commencé au château Caillavel à Pomport. Son propriétaire, Jean-Jacques Lacoste, aime raconter l’histoire de son domaine et celle de sa famille.

l’aîné de la fratrie. Alors il fera de Caillavel son domaine, celui qu’il transmettra à sa flle, laquelle épousera un monsieur Lacoste. Ils acquerront un autre domaine, le ChâteauHaut-Teulet. Voilà comment Jean-Jacques et sa sœur Céline ont hérité de deux beaux domaines viticoles, Caillavel et Haut-Teulet. POTENTIEL HUMAIN Ni Jean-Jacques ni Céline ne se destinaient à la viticul - ture. Pourtant, pendant 8 ans, Jean-Jacques sera aide familial sur l’exploitation: «Je venais de passer mon bac, mon père est décédé en août. Ma sœur vivait à Paris, elle n’était pas intéressée par les vignes. Je suis resté pour aider ma mère et conserver le patrimoine familial.» Au bout de ces 8 ans, sa mère, une «maîtresse femme», lui demande de devenir exploitant agricole en s’asso- ciant en Gaec avec elle. Le vignoble passe de 24 à 32 ha. La moitié de la production est en AOC Monbazillac. Céline reviendra aussi sur le vignoble familial, en rachetant les parts sociales de sa mère, après s’être formée à la viticulture au lycée agricole de La Brie. Ces frère et sœur, qui n’avaient pas choisi la viticulture, se retrouvent donc sur le domaine à perpétuer la tradition, produisant des vins régulièrement cités dans le Guide Hachette, et médaillés chaque année. Jean-Jacques ne regrette pas: «J’ai trouvé dans la viticulture bergeracoise des personnes exigeantes et passionnantes» , dit Jean- Jacques, engagé à divers titres sur la défense et la pro- motion des appellations bergeracoises. L’humain l’a retenu ici tout autant que les terroirs.

D iscret, Jean-Jacques Lacoste parle de son domaine plus facilement que de lui-même. « Ici a débuté la guerre de Cent Ans, quand les Anglais ont incendié Caillavel. » S’il n’a pas vraiment le temps d’interro- ger les archives, ce féru d’his- toire en sait long sur le passé de sa propriété, le château Caillavel, à Pomport. «À la Révolution, le domaine est vendu comme bien public. Il a été un temps occupé par des moines réformistes qui se sont installés ici. » Il ne faut pas beaucoup insister pour qu’il sorte des documents historiques retrouvés sur place, comme cette liste des biens et de leur valeur qui date de l’époque où les familles spoliées par la Révolution ont été indemnisées. Une page de l’histoire se tourne, un nouveau chapitre s’écrit lorsque le grand-père de Jean-Jacques achète le domaine, sans doute à une famille juive qui s’y était cachée pendant la dernière guerre. Un grand-père qui n’avait pas pu garder la propriété familiale, n’étant pas

Céline et Jean-Jacques Lacoste

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Cluzeau Château

De la modernité dans le vignoble

À la frontière entre Flaugeac et Sigoulès, le Château Cluzeau émerge au milieu de ses vignes, tel un vaisseau moderne. Une construction atypique.

vigne, on revient à parler du produit ; il y a tellement de vins diférents, de consommateurs diférents » , explique-t-il. S’il reconnaît facilement avoir « plein de choses à apprendre » , lui et son épouse sont tous deux docteurs en biologie végétale. Ils retrouvent dans la culture de la plante, comme dans les techniques de vinif- cation, des éléments qui ne leur sont pas étrangers. Autre originalité apportée par les nouveaux proprié- taires : l’introduction de chenin blanc dans l’encépagement. POUR L’AMOUR DU VIN PLAISIR Benoît Gérard fait confance à la nature : «On a le climat, le soleil, le terroir, les cépages s’expriment alors dans leur plénitude. Tout cela apporte du fruit dans nos vins. » Pour lui, les vins de Bergerac doivent être « portés sur le fruit, simples, faciles à boire. Ce sont des vins plaisir » . Le plus gros travail à venir est aussi celui de la com- mercialisation. Aujourd’hui, la moitié de la production est vendue en vrac. Benoît Gérard a une idée en tête. «Mon objectif est de tout commercialiser en bouteilles. Il va falloir étofer notre clientèle et la diversifer. » Le château propose pour cela une gamme complète. Pour chaque vin — bergerac rouge, rosé, sec, monbazillac —, le client trouve un vin d’entrée de gamme et un autre vieilli en fût. À chacun son plaisir.

L e Château Cluzeau est l’un des domaines les plus récents du vignoble bergeracois. Marc Saury, tonnelier de renom, l’a créé en 2004. À l’époque, celui-ci rachète plu- sieurs parcelles et les rassemble pour créer cet ensemble cohérent. Au milieu des vignes, un chai ultramoderne voit le jour, équipé à son extrémité d’une petite tour panoramique. Les actuels propriétaires sont Benoît et Anita Gérard, arrivés en juillet 2015. S’ils ont pour projet d’apporter des nouveautés sur l’exploitation, il n’y aura pas de révolution non plus. Didier Duclos connaît bien ces vignes sur lesquelles il travaille depuis 2007. Bio convaincu, c’est lui qui continuera à gérer toute la partie production, en collaboration avec les nouveaux propriétaires. Bretons d’origine, installés en Bergeracois depuis dix-sept ans, Benoît et Anita sont arrivés récemment dans le vin. Benoît Gérard est l’ancien directeur de la conserverie de Bergerac, après un parcours pro- fessionnel en Bretagne. « Je voulais changer d’univers. Avec la conserverie, on ne parle que de prix. Dans la

Marc Saury, Anita et Benoît Gérard

«

Dans la vigne on parle vraiment du produit; il y a tellement de vins diférents. »

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Domaine de la Combe

Une lignée de père en fls

Comme trois générations de vignerons avant lui,

donc hommage au travail accompli par son père : « Il vendait son vin sur les foires, les marchés, dans les campings, il a beaucoup travaillé pour avoir une clientèle. En faisant fructifer l’existant, j’ai modernisé l’entreprise, mais mon père a fait beaucoup. » METTRE EN VALEUR LE SAUSSIGNAC Le vigneron va innover avec la création d’un vin rosé issu de merlot en 2009, livre un bergerac habillé d’une robe cerise soutenue. Autres nouveautés, deux belles cuvées dont le nom rend hommage aux hommes de la famille: la «CuvéeWilliam», dédiée à son fls de 10 ans, un vin blanc sec de garde élevé 12mois en fûts de chêne; et la «Cuvée Jules», un côtes-de-bergerac rouge élevé en fût de chêne également. Jules est le prénom de son arrière-grand-père et le deuxième prénom de Tom, son fls de 9 ans. Le décret du 25 février 2005 a donné toutes leurs lettres de noblesse aux liquoreux de Saussignac. Le nectar est jaune soutenu, avec des nuances vieil or. Ses arômes d’abricot, de pêche, de caramel ou encore d’amande et de fgues sèches confèrent au vin un parfum puissant. «C’est un terroir unique qui ne res- semble à aucun autre », afrme fèrement Tierry.

Thierry Sergenton a succombé à l’appel des terres argilo-calcaires du Bergeracois. Il a repris le fambeau en 2005.

L ’appellation Saussignac, avec moins de 50 ha, vise l’excellence. Tierry Sergenton y cultive 26 ha de vignes. Un domaine qu’il partage depuis 2005 avec sa mère Sylvie, date à laquelle son père a pris sa retraite. « Je suis la quatrième génération à exercer ce métier. Mon arrière-grand-père possédait déjà le château Le Castel La Pèze. En 1978, mon père a pris possession de la propriété. Et il a tout créé, même le nom du domaine », sourit Tierry. À 39 ans, le viticulteur possède déjà une longue expérience : « La première fois que je suis monté sur un tracteur, j’avais 10 ans. J’ai toujours aimé donner un coup de main à mon père. Les vignes font partie de ma vie. » Après des études en viticulture-œnologie, le jeune homme est revenu pour travailler en famille. Tierry Sergenton est pleinement conscient des atouts que lui a laissés son père en lui léguant un domaine prospère et des clients fdèles. Modeste, Tierry rend

Thierry Sergenton et sa mère Sylvie

«

Saussignac, un terroir unique qui ne ressemble

à aucun autre. »

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Famille Consoli

Les vignes dans la peau

Jean-Antoine, Marie-Cécile et leur fls Mickaël travaillent en famille. Coopérateurs dans l’âme, ils privilégient l’entraide.

Jean-Antoine travaille avec son épouse, à mi-temps car également salariée dans une entreprise spécialisée dans le commerce des pruneaux d’Agen. Et depuis 2011, Mickaël, leur fls, les a rejoints sur l’exploitation, après des études agricoles. Pas de doute, chez les Consoli, on a l’agriculture dans la peau. 100 % COOPÉRATEUR La récolte des prunes à peine fnie, les vendanges commencent. Puis les noyers prennent le relais. Les fruits sont livrés à la coopérative France Prune, les raisins apportés à Alliance Aquitaine. Quant aux noix, elles sont commercialisées à la Coop Cerno, à Cénac. « Je suis coopérateur à 100 % comme mon père l’était avant moi », revendique Jean-Antoine. Il adhère également à plusieurs Cuma et a même lancé la Cuma viticole du Sud-Bergeracois dont il est le vice-président. Il préside de plus la caisse locale du Crédit Agricole d’Issigeac. Et n’hésite jamais à donner un coup de main. « Je recherche le travail collectif. J’ai toujours préféré me retrouver avec dix personnes que rester tout seul dans mon coin. » Pour Jean- Antoine, l’entraide et la coopération permettront de conserver une agriculture familiale et des exploitations à taille humaine.

S ur l’exploitation de la famille Consoli, à Conne-de-Labarde, chaque géné- ration apporte sa pierre à l’édifce. Jean-Antoine, qui s’est installé en 1984, a planté des noyers. Avant lui, Pietro, son père, s’était diversifé avec des pruniers. Mais s’il est une production qui a toujours été là, c’est bien la vigne. Le berceau de la famille est à Bergame, en Italie. Jeani, le grand-père de Jean-Antoine, après avoir quitté son pays natal et participé à la construction de la ligne Maginot, s’installe en Dordogne en achetant une ferme à Ribagnac. Quelques années plus tard, il en achète une autre avec Pietro, son fls, à Conne-de- Labarde. Six décennies passent, et Jean-Antoine Consoli, qui s’est également destiné à l’agriculture, exploite les deux propriétés. Entre-temps, toute la partie élevage bovin a disparu, ainsi que le maraîchage. Ne restent « plus » que les 18 ha de vignes, auxquels se rajoutent 9 ha de pruniers, plus 30 ha de noyers, en passe de devenir la production principale de l’exploitation. «Au moins, on ne met pas tous nos œufs dans le même panier. Si une production est en crise, une autre peut compenser. »

Mickaël, Jean-Antoine et Marie-Cécile Consoli

«

Nous sommes coopérateurs à 100 %. »

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Coquelicot Domaine

L’adversité vaincue

«

O n peut aimer sa pro- priété et ne pas être sédentaire. Grégoire Rousseau a passé un mois et demi au Népal l’hiver der - nier. Loin de tout, sac au dos. Loin des vignes ? «On trouve des vins partout dans le monde, assure le vigneron globe-trotter. Il y a tellement de vins à découvrir, comment peut-on boire toujours le même ? » Son goût pour les destinations lointaines n’empêche pas Grégoire de revenir et porter soin à son vignoble, « son troisième enfant. » Rien d’étonnant quand on sait qu’il a créé lui-même son domaine et l’a baptisé d’un nom qui ne s’oublie pas : Coquelicot. Auvergnat d’origine, sans lien avec le milieu agricole, Grégoire a bourlingué avant de s’orienter vers un BTS viti-œno. Il efectue des stages en Bourgogne. Dans le Médoc, il est salarié pendant 4 ans. Un jour il passe par le Périgord et la lumière « fabuleuse » le ravit. « Je À la fois voyageur et vigneron, Grégoire Rousseau trouve son énergie dans la biodynamie, et son plaisir dans ses vins 100 % naturels.

me suis dit que ce serait le rêve d’habiter là. » Il y revient, rencontre un vigneron qui lui cède ses vignes. Lui veut faire son vin. Il crée son chai de toutes pièces à Montpeyroux, avec sa compagne. Hélas, la propriété est bientôt cernée de terrains constructibles. Le couple vend la maison et s’installe à Carsac-de-Gurson.

Je traversais le Périgord, la lumière était fabuleuse, je me suis dit que ce serait le rêve d’habiter là. »

UN SECOND SOUFFLE AVEC LA BIODYNAMIE

Avec ses 9 ha de vignes en bio, implantées presque entièrement en cépages rouges, le domaine Coquelicot ne commercialise qu’en bouteilles, avec de belles réfé- rences. En 2013, le jeune couple a stabilisé son exploi- tation. Mais la grêle détruit en une heure ce qu’ils ont mis des années à construire. Toute la récolte est perdue. Les conséquences seront lourdes. Grégoire a du mal à en parler sans émotion. Le sentiment d’être en accord avec soi-même, de faire des vins 100 % naturels et d’avoir trouvé un équilibre en passant en biodynamie, lui ont permis de passer ce cap difcile. Grégoire pousse les choses à l’extrême, il refuse le collage, le levurage…Cela lui vaut des sueurs froides, mais c’est pour la bonne cause. «C’est la vie, il faut prendre des risques mais cela vaut le coup. » Beaucoup de rigueur et un bon équipement de chai lui permettent d’être confant à la veille de sa 9 e année de vinifcation. Il a retrouvé le sourire. Il vient de créer un vin pétillant à partir de sémillons, une exception à ses rouges : une cuvée appelée « Sac de billes », en souvenir de ces grêlons qui ont bien failli détruire son rêve.

Grégoire Rousseau, vigneron à Carsac-de-Gurson

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Costes Domaine des

Murmurer aux pieds de vigne

2013. Il déclasse, vend en vrac, perd de l’argent évi- demment mais reste fdèle à ses principes et continue d’entretenir cette relation fusionnelle avec sa vigne. DE L’ALCHIMIE ET DU FEELING Ronds, fns, élégants et simples, ses vins résultent d’un long dialogue avec ses vignes depuis la reprise de la propriété à son beau-père avec Nicole, son épouse. Nicole est la responsable de l’exploitation, elle prend totalement les commandes lorsque Jean-Marc est acca- paré par son travail d’œnologue-conseil. «Elle a le bon feeling pendant les vendanges. C’est elle qui capte s’il faut récolter ou non telle parcelle. Je l’écoute beaucoup. » Médecin, elle prend ses congés à cette période de l’année. Jean-Marc en profte pour se pencher sur les grappes des autres et honorer son travail de consultant. Il se dit « confdent » , empathique au point de passer deux heures à discuter avec un vigneron avant d’ac- cepter de travailler avec lui. Le feeling, encore une fois. « Je suis un intuitif. Je travaille au coup de cœur quand je fais un assemblage. Quand je tombe sur l’alchimie parfaite, ça se voit. Je veux toujours qu’il y ait une part du viticulteur dans le vin que j’assemble pour lui. » Dans les siens, il y a une personnalité. Au point que ses clients fdèles reconnaissent sa marque, son empreinte. L’homme s’en défend : «Ce n’est pas moi, ce sont les vignes et l’environnement. »

Œnologue de formation, Jean-Marc Dournel choie ses vignes comme des bébés. Il les écoute, les dorlote, et les confe à sa femme Nicole au moment des vendanges.

L ’œnologie, c’est de la chimie, des pourcen- tages, de la fermentation et des degrés à surveiller sur l’échelle des températures. L’exact opposé en somme de ce que Jean- Marc Dournel, pourtant œnologue, applique lorsqu’il assemble un vin. « Je me bouscule pour ne pas être dans le raisonné mais plutôt dans le ressenti. J’ai une for- mation scientifque, mais je sais que si je n’agis qu’en fonction des pourcentages, cela ne fonc- tionnera pas. » Alors l’œnologue-vigneron laisse la place aux sensations, à l’instinct, à cette chose impalpable qui va guider ses gestes dans le chai comme dans la vigne. « Je travaille mes vins et mes vignes exactement de la même façon : quand j’ai quelque chose dans la tête, je peux suivre les conseils d’un technicien viticole, mais pas toujours…» En 2006, il ne s’était pas écouté. Ce fut la dernière fois. «C’est un millésime que je n’ai pas aimé de la récolte à la mise en bouteille. Depuis, je me suis dit que je n’embouteil- lerai plus un vin que je ne sentais pas. » Sept ans plus tard, il se paye le luxe de ne pas sortir de millésime

Jean-Marc Dournel, œnologue

«

Je suis un intuitif. Je travaille au coup de cœur sur l’assemblage. »

«

Notre force est de réunir production, transformation et mise en marché… en un même lieu. »

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Couleurs d’Aquitaine

Le fruit de l’audace

Couleurs d’Aquitaine a été créée par les caves

S’associent au projet Unidor le centre d’embouteillage de Saint-Laurent-des-Vignes et le Crédit Agricole. Ensuite, la cave de Monbazillac rejoint Couleurs d’Aquitaine, qui s’ouvre aux chais particuliers. Ces évolutions consolident le projet des caves au bénéfce de leurs adhérents sociétaires. UNE GRANDE COHÉRENCE Couleurs d’Aquitaine commercialise dix millions de bouteilles par an en France et à l’export. Elle permet de grouper l’ofre des caves, de peser et de s’ouvrir à de nouveaux marchés. Tout cela agit favorablement et donne de la cohérence aux projets des caves coo- pératives. La société, qui emploie une vingtaine de salariés, est basée sur le site d’Unidor. Ce qui fait dire à Jacques Rodriguez, directeur de Couleurs d’Aqui- taine : «Notre atout principal est de réunir en un même lieu production, transformation, mise en marché, maî- trise du sourcing et gestion de la qualité. » Couleurs d’Aquitaine est devenu le premier metteur en marché des vins de Bergerac. Pari gagné.

coopératives de Dordogne pour commercialiser leurs vins en bouteille, en France et à l’export.

C inq minutes ont suf pour décider d’une structure com- merciale commune aux caves coopératives de Dordogne, la mettre en place a pris 8 ans.» Éric Chadourne, président de la société Couleurs d’Aqui- taine et vigneron en Péchar- mant, se souvient du jour, en 2007, où il a fallu décider d’une stratégie collective. C’était la crise. La société de négoce du Bergeracois Socav était à vendre. De quoi désespérer de l’avenir. C’était sans compter avec le dynamisme coopératif. «Le hasard a fait que quatre présidents de caves ont été élus la même année. Ensemble, nous sommes tombés d’accord pour prendre notre destin en main, ce qui a abouti à la création de Couleurs d’Aquitaine.» S’estimant sous la contrainte du négoce, les présidents de quatre Caves coopératives (Union viticole de Ber- gerac-Le Fleix, caves de Montaigne-et-Gurson, Sigou- lès et Port-Sainte-Foy) décident de créer leur propre unité pour commercialiser leurs vins en bouteille.

«

Éric Chadourne et Jacques Rodriguez, président et directeur de Couleurs d’Aquitaine

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